Interview de Patrick PLEIN, VP Human Resources chez VINCI Energies International & Systems.
Nous vivons une période exceptionnelle qui aura de lourdes conséquences sur la pérennité des organisations. Le DRH occupe un rôle central dans le gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences. Quelle analyse en tirez-vous et quels sont vos conseils pour la surmonter au mieux ?
Il est primordial en période de crise que la RH reste sur ses fondamentaux. Aussi, nous avons décidé en 2020 de poursuivre nos recrutements et les actions de développement des compétences . Certains projets ont certes été ralentis mais jamais arrêtés. Nous avons également organisé note « Young Talents Days », événement dédié au recrutement des stagiaires de fin d’études. . L’an passé nous avons reçu plus de 15 000 candidatures, contre 6 000 en 2019 !
En temps de crise, le premier réflexe des entreprises consiste en général à stopper les recrutements et à réduire l’investissement dans le développement des salariés (c’est le cas de la formation par exemple). Or, l’expérience montre que ce calcul a des conséquences néfastes. Pour avoir vécu la crise du BTP dans les années 90, je suis convaincu qu’il faut continuer à développer les compétences dans ces moments-là.. L’arrêt brutal des formations et des recrutements a eu des répercussions dix ans plus tard quand, au moment de la reprise, les entreprises de la construction n’avaient pas les compétences nécessaires pour gérer les projets. . Il y avait un trou dans la pyramide des âges. Tout le secteur du BTP était concerné et nous n’avions pas suffisamment de collaborateurs confirmés pour relever nos défis. Ne pas investir dans le développement des collaborateurs revient à se tirer une balle dans le pied.
Qu’en est-il de votre politique de recrutement aujourd’hui ?
Au sein de mon périmètre par exemple, nous effectuons environ recrutements par an au niveau mondial. Au premier semestre 2020, nous avions embauché 2 000 personnes. Les Young Talents Days, qui visent à recruter des stagiaires de fin d’études, ont été organisés l’année dernière en mode « full digital » du fait de la pandémie et nous avons proposé 400 offres de stages. Il y a eu une très forte mobilisation des étudiants. Cet événement nous a montré qu’il ne fallait pas baisser sa garde. Le rôle de la RH est d’avoir une posture de proactivité forte dans les périodes délicates
Comment anticipez-vous vos besoins en compétences ? Avez-vous un « Strategic Wokforce planning » ?
Notre groupe fonctionne selon un modèle décentralisé et chaque patron est autonome. Ces deux dimensions (organisation décentralisée avec responsabilisation et autonomie des collaborateurs) amènent un mode de fonctionnement très pragmatique qui évite de tomber dans l’hyper process RH. Les filiales ont cependant une cuture commune et disposent d’outils communs leur permettant d’être une logique d’anticipation des besoins en compétences.. L’idée du workforce planning est d’avoir une vision de ses enjeux business à moyen terme ( environ 3 ans), d’en déduire les évolutions de compétences et d’organisation, et de bâtir le plan RH répondant à ces enjeux. . Dans cette discipline, il faut lutter contre ’over engineering » qu’a tendance à pratiquer la fonction RH. Laissons davantage de place à la simplicité afin de maintenir une agilité de situation. Une RH efficace est celle qui a su mettre en place un Workforce planning simple, pragmatique et de bons sens.
Propos recueillis par Christel Lambolez
Extrait du numéro spécial « Le DRH réaliste et visionnaire » à télécharger en cliquant sur lien et couverture ci-dessous