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samedi 11 mai 2024

#LoiTravail : en marche vers quelle destination?

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Alors que la menace de la rue gronde, les DRH ont du pain sur la planche pour faire accepter en interne les réformes d’Emmanuel Macron. Très controversées car taxées de déséquilibrer le rapport de force entre les salariés et les entreprises au profit de ces dernières, notamment en facilitant les licenciements, les ordonnances publiées le 1er septembre dernier vont fortement impacter le fonctionnement de l’entreprise en favorisant de nouvelles formes de travail et le télétravail. De nombreuses peurs se cristallisent sur une précarisation des individus et la fin du salariat.
Poussé de manière à favoriser les accords internes entre salariés et employeur, le dialogue social sort revalorisé de cette réforme, mais avec une dimension plus opérationnelle et pragmatique de manière à aider les entreprises à surmonter les turpitudes du passage à la 4e révolution industrielle qui crée une des plus grandes ruptures que le monde économique ait connu. Les entreprises doivent effectivement franchir le seuil de la porte de la digitalisation qui bouscule les business modèles de tous les secteurs d’activité et ébranle les métiers. Il va falloir apprendre à travailler avec l’intelligence artificielle.
La période est à l’incertitude et le malaise grandit. Une récente note de conjoncture d’Entreprise&Personnel pointe du doigt une possibilité d’explosion sociale et va même jusqu’à envisager un nouveau mai 68 au printemps prochain (lire article sur Europe1.fr). La réforme sur la sélection à l’entrée des universités et celle sur le régime des retraites avec la suppression des régimes spéciaux pourraient jouer l’effet d’un détonateur.

 

 

Plus de souplesse et de précarité ?

 

 

Les DRH auront-ils l’envergure pour contenir une telle pression sociale au sein des organisations ? Au Congrès HR, la rencontre annuelle de DRH au Pré-Catelan à Paris, un collectif rassemblant des représentants de syndicats a déboulé le 11 octobre dernier en guise de représailles contre les ordonnances réformant le code du travail. Cette « chasse aux DRH » s’est soldée par 41 personnes interpellées et 5 placées en garde à vue.
Pour l’heure, la fonction RH doit s’atteler à de nombreuses tâches. Plusieurs points qui vont bouleverser les entreprises dont le plafonnement des indemnités de licenciement, la rupture conventionnelle collective et les changements pour les TPE de moins de 20 salariés.

Pour Julia Roche, spécialiste en droit social au sein de Nibelis, éditeur d’un SIRH Cloud ou d’une Solution Paie & RH, les principales préoccupations des entreprises sont relatives à la composition et au fonctionnement du Comité social et économique, issu de la fusion des instances représentatives du personnel, et à la mise en place du Télétravail avec une charte interne. L’articulation entre les accords de branche et les accords d’entreprise fait également l’objet de nombreux questionnements.

Pierre Godet expert-comptable associé chez Sadec Akelys explique : «Les ordonnances se situent dans la continuité de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels appelée « Loi Travail » ou loi El Khomri. La réforme est appelée Muriel Pénicaud et ses détracteurs la nomment « Loi Travail XXL ». Elle a pris la forme d’ordonnances. L’esprit de la réforme est de donner davantage d’autonomie à la négociation au sein de l’entreprise. Cette loi a pour objectif de faciliter le fonctionnement des entreprises afin d’embaucher plus facilement en partant du postulat que moins on a de freins au licenciement moins on a de freins à l’embauche. Mais pourquoi plafonner les indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif ? Le gouvernement a souhaité que le chef d’entreprise puisse anticiper mais l’argument de dire que des montants trop élevés risquent de mettre en difficulté une entreprise n’est pas acceptable.»

La création des « contrats de projet », autre mesure contenue dans la seconde loi Travail, devrait permettre des embauches plus souples en instaurant des CDI qui pourront être rompus à la fin d’une mission définie. Il s’agit d’une transposition d’autres types de contrats tels que le « CDI de chantier » dans le Bâtiment. On voit peu à peu un nouveau paysage se dessiner avec l’annonce de doubler le plafond du chiffre d’affaires des autoentrepreneurs en 2018. Cette plus grande souplesse peut induire au fil du temps une précarisation. Pierre Godet témoigne : «Le fonctionnement des entreprises a fortement évolué. Elles sont submergées par la vague technologique et rencontrent de nombreuses difficultés en matière de transformation digitale pour s’adapter à l’économie numérique qui se répand dans toutes les couches de la société. Les avocats vont désormais s’appuyer sur des algorithmes et l’intelligence artificielle et les adaptations de nos métiers seront indispensables. Le Code civil a trois siècles d’existence et ne correspond plus à la réalité que vivent les organisations. Il va falloir trouver un équilibre pour préserver les droits des salariés. Les syndicats ne sont pas exclus de ce nouveau dialogue mais ils sont marginalisés car ils pèsent moins au sein des petites structures

 

 

Une révolution copernicienne

 

 

Lors de la conférence Décrypt’RH organisée par l’éditeur ADP le 20 septembre dernier, Benoît Serre, directeur général adjoint en charge des ressources humaines du groupe MACIF et vice-président de l’ANDRH a expliqué : « Cette loi me fait plaisir car elle prend en compte notre réalité, elle intègre les mutations que nous vivons. Les entreprises ne peuvent plus passer par une myriade d’expertises et de négociations dans un monde qui évolue vite ; les métiers sont devenus instables. » « Cette réforme d’ampleur est tributaire de la façon dont va s’organiser le dialogue social, a ajouté Emmanuel Prévost, directeur de veille juridique chez ADP, leader mondial en matière de gestion de la paie, Tout va dépendre de la façon dont les partenaires sociaux, les entreprises et les branches professionnelles vont s’emparer de la réforme. » Invitée autour de la table, Emmanuelle Barbara, avocat associé spécialiste en droit du travail, a partagé son analyse :  « Où va-t-on ? Il s’agit là d’un premier volet de plusieurs étapes destinées à transformer la manière d’appréhender le travail dans notre pays. Nous sommes en train de réconcilier les différentes formes de travail. La question se pose de savoir comment passer du tout salariat à un statut unique. En France, le salariat est synonyme de travail et de CDI. Nous vivons une révolution copernicienne. La philosophie de la loi elle-même est très en rupture avec les lois précédentes, y compris la loi El Khomri. La promesse initiale consentie en 1945 était un contrat de travail à vie mais, avec les crises successives, elle apparaissait de moins en moins réelle. La nouvelle loi opère une rupture gigantesque. Le droit doit permettre aujourd’hui à l’entreprise de s’adapter à un monde qui bouge. » Benoît Serre a renchéri : « C’est l’invitation au mouvement. Il faut travailler sur la sémantique car le mot mobilité est souvent associée dans les esprits à plan social. Il faut inventer d’autres mots et donner aux salariés la capacité à maîtriser leur carrière professionnelle. Les DRH vont avoir l’obligation de faire monter en compétences les salariés notamment en développant l’expérience apprenante. Il va falloir tenir compte de la typologie des salariés et protéger ceux qui ne profitent pas de la transformation numérique. »

 

Emmanuelle Barbara a ouvert le débat : « Il y a un questionnement à avoir sur le rôle de l’entreprise au XXIe siècle. Va-t-on vers une entreprise providence ? Aujourd’hui le principal enjeu est l’accompagnement de toutes les formes d’emploi atypiques et de créer de nouveaux liens sociaux.» La responsabilité sociale des entreprises (RSE) va-t-elle devenir un métier de la fonction RH ? A méditer.

 

 

Christel Lambolez

 

 

 

 

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