Interview de Michael Boumendil, président et fondateur de Sixième son
Vous avez lancé, en partenariat avec Harris Interactive, un baromètre annuel d’évaluation de la performance des musiques de marque. Quels sont les principaux enseignements de cette enquête sur la perception des Français ?
Le premier enseignement est que l’on ne peut plus se passer du son et de la musique de manière générale. Ils ont une influence croissante dans la vie des gens. Il y a désormais du son partout, avec les notifications des applications par exemple. Mieux, le son prend le lead sur l’image : c’est aujourd’hui le son qui amène à l’image contrairement à il y a dix ans. 68 % des répondants déclarent ne pas forcément regarder la télévision lorsqu’elle est allumée. Le son devient alors la seule opportunité pour les marques de capter l’attention et de ramener les yeux vers la marque.
Deuxième enseignement, les Français s’attachent de plus en plus aux musiques originales et de moins en moins aux reprises. La récupération par les marques de musiques tendances, de tubes suscite parfois davantage de perplexité, voire un sentiment de rejet. Ils attendent une musique différente, spécifique, qui colle à la peau de la marque.
En quoi le son est-il devenu une opportunité croissante pour les marques de faire partie intégrante de leur identité et de capter l’attention ?
Vous n’existez pas en tant que marque si vous n’avez pas réussi à capter l’attention. Or le son a cette capacité presque reptilienne à susciter l’attention. De même qu’il n’est plus possible aujourd’hui pour les marques d’exister sans identité visuelle, il ne leur est donc plus possible d’exister sans identité sonore. Elles ont trop à perdre !
Sans identité sonore, c’est un peu comme si vous diluiez le message de votre marque. A quoi bon en effet réaliser un message si personne ne l’écoute ? Le son est un préalable pour attirer l’attention et pouvoir véhiculer votre message. Une marque a besoin d’incarnation, de clarté et de cohérence, qu’elle soit une PME ou d’un grand groupe. Le son est là pour mieux définir votre identité et a une forte influence sur l’attention et l’attachement.
Les marques peuvent faire du son un fort avantage concurrentiel. Notre baromètre le montre très bien : à même budget et points de contact, certaines entreprises ont su développer un plus fort attachement à la marque grâce à leur son quand d’autres ne génèrent qu’indifférence. C’est le cas par exemple de But, 75e annonceur français, qui surperforme à la 20e place de notre palmarès ou encore de Castorama qui bénéficie d’un très bon taux d’attribution de son son.
Encore faut-il avoir une bonne identité sonore… Quels sont les ingrédients de la réussite ? Comment maîtriser le triptyque attention – engagement – attachement » ?
Toutes les musiques ne génèrent en effet pas la même performance et n’enrichissent pas toutes les marques. Le public peut ainsi aimer une musique mais ne pas sentir l’adéquation avec la marque. Il ne s’y attache donc pas. Certaines musiques ont une personnalité peu marquée. Il est clair qu’il y a une prime à l’identité forte. Nous avons ainsi remarqué que certaines signatures sonores augmentent l’attention de 2 % quand d’autres performent à 300 %. La SNCF est ainsi le vainqueur incontesté de notre baromètre : les Français connaissent son identité sonore et c’est aux quatre notes de son jingle « mythique » qu’ils sont les plus attachés. Avec un taux de 95 % de reconnaissance et ¾ des répondants qui l’attribuent spontanément, la marque est loin devant les autres.
Une bonne identité sonore doit être distinctive et reconnaissable d’emblée. Le public doit l’apprécier, afin que cela suscite son attention et son attachement. Elle doit être forte en personnalité pour susciter l’engagement et sonner juste pour la marque, c’est-à-dire sur mesure et en phase avec son esprit et sa vocation. Le résultat obtenu doit avoir une performance acoustique de nature à émerger et à vivre dans des circonstances très différentes, car il y a de très nombreux points de contact pour la communication de la marque.
Il est également important d’être vigilant sur la communication interne et faire connaître votre identité sonore au préalable aux collaborateurs. Ce sont les premiers ambassadeurs de votre marque. Nous développons ainsi des making of et des comités d’écoute afin qu’ils contribuent à l’expression de la stratégie.
Propos recueillis par Pascale Kroll