Une interview de Bruno Mettling, fondateur de Topics, conseil en stratégie de transformation.
Comment avez-vous accueilli les derniers propos et mesures de l’exécutif ?
Les dirigeants d’entreprise sont très fatigués et expriment la pression psychologique ressentie à faire et défaire pour s’adapter à de nouvelles normes sanitaires. Les entreprises peuvent se féliciter qu’il n’y ait pas de changements d’organisation sanitaire. Elles doivent entendre l’incitation de l’exécutif à développer le télétravail. C’est une dynamique non contraignante et citoyenne. Le transport vers le travail est un facteur important de propagation du virus. Nous sommes actuellement à 15 % de télétravail, contre 60 % au moment du confinement.
Quels enseignements tirez-vous de ces derniers mois en matière de télétravail et plus largement d’organisation du travail ?
J’en tire plusieurs enseignements. Le télétravail, tel qu’il était pratiqué avant le confinement a considérablement évolué : conçu comme une facilité donnée à certains collaborateurs en réponse à leur demande et modérément perçu par les managers, il est devenu, avec le confinement, une source de fierté collective. Pour la majorité d’entre elles, les entreprises ont fait preuve de grande agilité pour basculer rapidement vers le télétravail. Preuve a été faite que le télétravail n’implique pas forcément une baisse de la productivité des salariés. Il a également fait tomber certains conservatismes de dirigeants et permis un nouvel état d’esprit. Cette bataille est en partie gagnée, malgré certains propos maladroits de dirigeants sur le « retour au travail » en juillet.
Dernier enseignement, il ne faut pas confondre le télétravail en situation d’urgence et le télétravail construit, pensé et organisé vers lequel il convient d’aller maintenant.
Nous sommes désormais dans une étape importante consistant à repenser à une nouvelle organisation du travail, intégrant des moments de présentiel et des moments de travail à domicile.
Le tout télétravail n’est pas la panacée. Je n’y crois pas une seconde, d’un point de vue économique et humain. Il n’est pas compatible avec la dimension collective de la productivité, qui consiste dans la capacité à innover. Je me bats contre la foi des nouveaux convertis qui voudraient faire du télétravail le mode d’organisation principal voire exclusif de la façon de travailler. Les temps de télétravail sont des phases de concentration ; les temps communs des phases de créativité. Le rôle des RH est d’accompagner le management en ce sens ainsi que de repenser les espaces de travail et le présentiel afin qu’ils soient réellement créatifs.
Par rapport à l’économie sinistrée et au plan de relance, quel rôle ont les DRH pour accompagner au mieux cette crise ?
Le rôle des DRH est d’être au cœur du dispositif, comme à chaque fois qu’il y a crise. Ils sont sur le front sanitaire bien sûr. Lorsque leur entreprise prend le choc du Covid, ils doivent mettre en place des mesures de survie. Ils peuvent alors très engagés dans la réduction d’effectifs. A noter que les ¾ des DRH interrogés [enquête ANDRH septembre] privilégient le chômage partiel au PSE. Dans les secteurs moins directement exposés, le rôle du DRH, de par sa vision des différents dispositifs, est d’abord de participer aux choix stratégiques et aux mesures adoptées.
On présume beaucoup de PSE à venir. Comment les entreprises peuvent-elles gérer cela ?
Le PSE est aujourd’hui tellement normé et cadré, dans les délais, la typologie de ses mesures, qu’il en est presque rassurant ! Mais il est dommage d’y avoir recours trop vite, d’autant plus lorsque les dirigeants ont mis en place une organisation efficace. Je préconise de n’y avoir recours que lorsque l’entreprise a réfléchi à toutes les alternatives possibles (chômage partiel, économies sur les rémunérations, effort sur les dividendes, plans de retraite…). Car si dans deux ans l’économie repart, le coût en PSE sera très lourd. Cette réflexion préalable permet de maintenir la confiance des collaborateurs et revenir plus vite à la croissance. Un contrat social existe. Quand l’entreprise est transparente, diffuse un message clair, elle a alors un retour extrêmement positif.
Propos recueillis par Pascale Kroll