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samedi 20 avril 2024

#LoiTravail : «Il s’agit plus d’une loi psychologique qu’idéologique»

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Comment analysez-vous les ordonnances de la Loi Travail eu égard aux évolutions futures du monde du travail ?

Les ordonnances prises sont dans la lignée de la Loi El Khomri. Il n’y a pas de surprise par rapport au discours tenu par le Président Macron lors de sa campagne. Il faut les replacer dans un contexte plus global d’évolution des formes du travail et de nos modèles actuels. La réforme sur l’assurance chômage en préparation vise à englober les nouvelles formes de travail pour pouvoir couvrir les personnes démissionnaires ou indépendantes. Nous allons vers de plus en plus de souplesse dans nos modes de fonctionnement de manière à faciliter la mobilité et l’agilité des entreprises. L’assurance chômage prendra en compte les non-salariés et il s’agit d’un rupture majeure dans notre système car la protection s’élargit à toutes les formes d’emploi. Si on veut que les individus prennent des risques pour entreprendre ou faire évoluer leur employabilité, il faut leur assurer une protection efficace. Il faut reconnaître que le marché du travail a fortement évolué ces dernières années avec l’arrivée de plateformes telles que Airbnb ou le BonCoin. On constate que les salariés, eux-mêmes, cherchent à diversifier leurs sources de revenu en participant à des plateformes collaboratives. Ils y découvrent le bon côté de la vie économique. Un esprit d’entrepreneur est en train de se développer car les relations se sont digitalisées et l’approche client est facilitée.
Paradoxalement, les grandes structures se sont rigidifiées car elles sont enfermées dans des process beaucoup trop lourds, notamment avec l’utilisation des systèmes d’information RH. Le « Process Iso Killer » a tué l’esprit d’entreprise en interne. La prise de décision marche au ralenti et les entreprises ont par conséquent du mal à développer leur agilité et à s’adapter rapidement aux évolutions rapides de nos modèles actuels. Or, nous sommes entrés dans le « VUCA World », acronyme pour «Volatility» (Volatilité), «Uncertainly» (Incertitude), «Complexity» (Complexité), «Ambiguity» (Ambiguité). Un monde complexe et incertain dans lequel tout est remis en question rapidement.

Pensez-vous qu’avec l’évolution actuelle des formes de travail et le développement de la productivité par les machines, on en arrive peu à peu à la disparition du travail ?

Le salariat va peut-être être remplacé par de nouveaux liens contractuels mais le travail va rester. Toutes les grandes révolutions que nous avons vécues dans l’histoire nous ont montré notre capacité d’adaptation face à des évolutions majeures dues au progrès. Si vous regardez du côté des Etats-Unis, du Japon ou de l’Allemagne, ces pays connaissent le plein emploi. Il faut replacer la France dans un contexte international et actionner les bons leviers pour faire évoluer notre société.

Comment voyez-vous la place des DRH pour accompagner les grands défis actuels ?

Les DRH sont au cœur du changement. Avec la nomination de Muriel Pénicaud, ancienne DRH de grands groupes, au poste de ministre du Travail, le gouvernement fait entrer la société civile dans la sphère politique. L’objectif de donner davantage de souplesse aux entreprises est assumé. Nous avons en France un problème général de confiance, entre les salariés et les entreprises, entre les entreprises et les syndicats et entre les syndicats et les salariés. Or la confiance est le principal levier du changement. L’idée du gouvernement est donc de favoriser le dialogue social en donnant davantage d’autonomie aux entreprises pour l’organiser en interne. Il s’agit plus d’une loi psychologique qu’idéologique. Le véritable enjeu de la réforme c’est de rétablir la « Confiance ».

La confiance peut être ébranlée car on perçoit un déséquilibre en faveur des entreprises, notamment en matière de plafonnement des indemnités prud’homales ?

Pourquoi les dommages-intérêts seraient-ils aléatoires ? Le gouvernement a voulu désormais établir un cadre. En matière de justice prud’homale, le taux d’appel est de 60%. Les jugements peuvent changer d’un tribunal à l’autre. C’est d’une inefficacité absolue. Il faut créer un choc de confiance au sein des TPE et PME et redonner de l’espace au dialogue social. L’employeur type est celui qui a peu de salariés puisque, sur 1 million d’entreprises, la moitié a moins de 50 salariés et les deux tiers en embauchent moins de 100. Favoriser une justice plus sécurisée permet aux petits patrons de prendre des risques en matière d’embauche. J’ai été inspecteur du travail pendant 5 ans et je n’ai rencontré qu’une seule entreprise sur laquelle il n’y avait rien à dire. C’est mission impossible d’appliquer le Code du travail ! Laissons davantage de place au dialogue social. Avec un accord majoritaire, les salariés devraient être rassurés. Certaines entreprises savent qu’elles n’y arriveront jamais et préfèrent de loin l’accord unanime. Pour créer de la confiance il faut de la transparence, puis il faut savoir anticiper et bien communiquer en amont auprès de toutes les instances représentatives et des collaborateurs. Il faut préparer les esprits aux changements puis, bien entendu, respecter les engagements pris.

Comment le dialogue social va-t-il s’organiser dans les petites entreprises selon vous ?

Là est le vrai sujet car les grandes entreprises sont rompues au dialogue social. Au sein des petites structures, il n’y a pas de syndicat mais un élu pour celles qui embauchent moins de 50 salariés et l’instauration d’un référendum avec accord des deux tiers pour celles qui ont moins de 20 salariés. Il faut s’appuyer sur les branches professionnelles pour les accompagner. Les grandes entreprises peuvent également intervenir en tant que conseil, comme elles l’avaient fait pour le passage aux 35 heures.

Propos recueillis par Christel Lambolez

Jean-Christophe Sciberras est directeur des realtions sociales et de l’innovation sociale et directeur des ressources humaines France chez Solvay, leader de la chimie mondiale.

 

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