Les progrès des technologies du numérique et le contexte actuel de la formation en entreprise (formation tout au long de la vie pour développer l’employabilité, loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, lancement de l’application mobile du Compte Personnel de Formation) favorisent l’éclosion de méthodes de formation innovantes. Selon Karim Cherif, expert RH chez Magellan Consulting (voir notre interview), les salariés ont aujourd’hui quatre grandes attentes en matière de formation. D’abord l’envie et la confiance, ensuite la personnalisation et l’autonomie, puis l’expérimentation et la stimulation, et enfin l’interaction humaine.
Simplicité, transparence, personnalisation, innovation : le nouveau « mindset » des apprenants
Dans une étude de mai 2019 « les Français et les enjeux de la formation », réalisée par Harris Interactive pour le Cnam, 47% des interviewés ont tendance à penser que l’avenir de la formation passe par une mixité des approches présentiel et à distance (blended learning). « Le présentiel a tout son sens car les gens ont besoin de se retrouver et d’échanger des pratiques. Ensuite, le numérique permet d’accélérer certains apprentissages, de donner des ressources complémentaires ou d’individualiser une formation, estime Julien Lacomberie, directeur conseil RH chez Keyrus Management. L’innovation réside aujourd’hui dans la meilleur maîtrise de ces concepts et dans les progrès de la technologie qui permet d’aller plus loin ».
Ainsi le mobile learning apporte une réponse à ce nouveau « mindset » des salariés à la recherche de personnalisation, de simplicité, de fluidité et d’innovation. Selon Hélène Mouiche, analyste sénior chez Markess by exægis, 46% des décideurs RH considèrent que le processus de formation doit impérativement être ouvert aux équipements mobiles (source :étude Tendances 2020 sur le marché des solutions RH). Car un smartphone ou une tablette permettent de se former n’importe où, dans un train ou dans une salle d’attente, et à n’importe quel moment, pour autant qu’on ait quelques minutes de disponibilité. Le mobile est d’ailleurs le support idéal pour le micro learning, ces sessions de formation très courtes. « Attention toutefois, prévient Karim Cherif, il ne s’agit pas de prendre une formation d’une heure et de la découper en morceaux. Le micro learning demande un vrai travail d’ingénierie. Il faut repenser la formation suivant les quatre grands thématiques que j’ai évoquées : envie, personnalisation, expérimentation et interaction. C’est tout un cheminement ».
Quant l’innovation technologique donne à la formation ubiquité, mobilité et rapidité, la tendance est également à la gamification, au contenus ludiques, qui donnent envie de se former et favorisent l’encrage mémoriel de l’apprentissage. « Pour que l’autonomisation et l’individualisation de la formation fonctionnent, on a souvent recours à des modèles pédagogiques basés sur le jeu », déclare Benjamin Gans, directeur EdFab chez Cap Digital. Les serious games, associés ou non à une formation en présentiel, en sont un parfait exemple. « L’innovation se trouve dans la façon dont ils sont conçus et dans l’innovation pédagogique, estime Pierre-Alain Gagne, gérant et co-fondateur de Dowino. Plutôt que de miser sur la simulation des gestes et leur répétition, on peut dans certains cas activer des leviers d’émotion ». Les serious games deviennent par ailleurs davantage visuels pour répondre aux attentes des jeunes générations. « Ils parviennent à rendre plus dynamique un contenu de formation qui parfois peut paraître peu engageant », souligne Julien Lacomberie.
Formations adaptées, immersives, ou en situation
Plus encore, la technologie, et l’intelligence artificielle en particulier, permet désormais d’adapter une formation à chaque apprenant. C’est l’adaptative learning. « La première partie de la formation peut par exemple être commune à l’ensemble des apprenants. A l’issu d’un quizz, chacun des élèves est ensuite aiguillé sur un deuxième module, en fonction de ses réponses. Et ainsi de suite », explique Julien Lacomberie. Un type de formation en phase avec les neurosciences qui, comme le souligne le MOOC « Itinéraire Compétences », visent à aider au développement des capacités d’adaptation en continu des individus. « La Région Grand Est et France Apprenante, avec notamment le concours de CollectivZ et du groupe Amnyos, ont conçu ce MOOC pour fournir les clés pratiques dont les organismes de formation et les Centres de Formation d’Apprentis ont besoin pour répondre à l’appel à projets « Itinéraire Compétences », et plus généralement pour proposer des dispositifs de formation continue novateurs », confie Hervé Beraud, associé-DAF de CollectivZ.
Innovante, la réalité virtuelle qui permet de plonger les apprenants dans des situations préparées et choisies, a également le vente en poupe. « La neuroscience le confirme , l’immersion permet de stimuler des zones du cerveau qui auparavant n’étaient pas sollicitées lors du processus d’apprentissage et de formation. De ce fait, l’apprentissage se fait plus facilement et plus rapidement, affirme Sébastien Kuntz, fondateur de MiddleVR. Au-delà de la technologie, c’est la relation entre formateurs et apprenants qui se retrouve au centre ». Par ailleurs, l’évaluation de la progression des apprenants est particulièrement facile, chaque session pouvant être enregistrée, chaque geste décortiqué et comparé en post-formation. Selon Hélène Mouiche, 45% des responsables RH jugent les technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée utiles à leur mission RH et 10% incontournables.
Enfin, il faut citer dans les formations « immersives » l’Action de formation en situation de travail (AFEST), qui, comme le souligne un rapport de juillet 2018 du Copanef, peut être mobilisée comme une modalité de formation autonome ou être articulée avec d’autres modes de formation (à distance, stage…) dans le cadre de parcours hybrides (blended).
Patricia Dreidemy