Quels sont les enjeux de la mobilité géographique pour les DRH ?
Pour les RH, un des principaux enjeux est d’attirer les talents. Il faut leur donner l’envie de venir travailler dans l’entreprise, au-delà du poste et de la mission. Et l’attractivité touristique de la région ne suffit pas toujours. Il y a également de forts enjeux de fidélisation, d’où l’intérêt de se saisir des problématiques de gestion des carrières. Les salariés sont amenés à bouger dans l’entreprise. La mobilité géographique des collaborateurs est au global au cœur de la stratégie marque employeur. Elle accompagne leur développement et contribue à leur bien-être et à la qualité de vie. Les entreprises avancées sur la marque employeur l’ont bien intégré. Cela ne concerne pas que les grands groupes. Cela est d’autant plus important pour les PME ayant des difficultés à recruter.
La problématique de la mobilité est d’autant plus pertinente en cette période de Covid. En cas de difficultés économiques, les entreprises sont en effet contraintes d’ajuster leurs outils de production. Il y a des mouvements d’un site à un autre, vers une autre région ; des collaborateurs quittent l’entreprise. Et lorsque l’entreprise se porte bien et que ses zones sont attractives, il est tout de même important de s’en préoccuper, car cela fait partie d’un package global que les RH octroient à leurs salariés.
Quel est le profil type du salarié mobile ?
Chez Ma Nouvelle Ville, nous avons traité 25 000 dossiers en 2019. 60 % des salariés mobiles sont de nouveaux embauchés. 30 % sont mutés dans la même entreprise ou le même groupe. 10 % sont des intérimaires ou des saisonniers. La mobilité géographique ne concerne pas seulement les cadres à l’international ! Aujourd’hui, 47 % des salariés mobiles ont moins de 30 ans. Nous travaillons sur tout type de profil, y compris les alternants. Moins les personnes ont l’habitude de bouger, plus cela peut être difficile. Nous devons répondre à leurs questions matérielles, mais également les questions liées à l’inconnu, lever les peurs et les freins les plus courants. Nous aidons les personnes à entrer dans leur nouveau territoire, surtout les moins connus, ou moins réputés, il faut leur donner envie d’y travailler.
Pour cela, nous travaillons sur trois piliers, de même importance : les enfants, l’emploi du conjoint et le coût de la vie. Nous prenons soin des questions matérielles importantes pour la famille : Où vais-je habiter ? Dans quelle école iront mes enfants ? Comment reconstruire mon écosystème ? Nous nous occupons ainsi du déménagement, du logement, des écoles, de l’ouverture et la fermeture des compteurs d’électricité et de gaz, voire de l’échange du permis de conduire si c’est un ressortissant hors UE. Nous organisons également des voyages de reconnaissance dans la ville afin de les aider à se projeter.
Quel doit être le rôle du DRH dans l’accompagnement des salariés en situation de mobilité ?
Le DRH doit parler de la mobilité géographique au salarié, même si cette question n’est pas immédiate. Il doit à mon sens planter la graine de la mobilité, afin que le salarié s’ouvre l’esprit sur le sujet et soit prêt au moment opportun ou même génère cette mobilité. Le pire serait de poser uniquement la question de la mobilité (« êtes-vous mobile ? oui ou non ») lors d’un entretien professionnel d’évaluation. L’idéal serait de créer des entretiens spécifiques à la mobilité, qu’elle soit géographique ou fonctionnelle. La question est récurrente à tout projet de vie et de carrière. Les salariés ne peuvent tout prévoir dans leur projet de vie et de carrière. Il convient aux DRH de bien les accompagner en ayant prévu cet aspect dans le package global.
Tout peut changer en quelques mois, la preuve avec l’épreuve du Covid. Une question qui apparaît aujourd’hui est celle de l’impact du télétravail sur les mobilités et les modes de vie. Va-t-il y avoir davantage de mobilités sur quelques jours seulement par semaine ? Pendant le confinement, le cahier des charges des personnes à accompagner dans leur mobilité a ainsi évolué : plutôt que de vivre à Paris, certaines voulaient par exemple rester en province et avoir du télétravail dans leur semaine. Les gens sont mobiles, mais pas à n’importe quel prix. Au DRH aussi de laisser mûrir les décisions.
Propos recueillis par Pascale Kroll