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mardi 23 avril 2024

Le DRH devrait-il être le N°2?

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Dans bon nombre d’entreprises, il est de coutume de considérer que le bras droit du Directeur Général est le Directeur Financier. Mythe ou réalité ? Justifié ou pas ? Ce n’est pas le sujet de cet article. Ici, nous souhaitons rappeler l’importance stratégique des Ressources Humaines et, donc, le rôle crucial du Directeur des Ressources Humaines pour le développement et la survie de l’entreprise. Pour éclairer ce propos, plusieurs DRH ont accepté de partager leur opinion personnelle et leur expertise.

Soulignons d’emblée la sagesse et l’humilité de tous les DRH interrogés ! S’ils sont tous convaincus que la fonction RH devrait être perçue comme réellement stratégique, tous s’accordent sur le constat que N°2, N°2 bis ou N°3, en réalité peu importe. C’est d’abord au sein de la Direction des Ressources Humaines qu’il faut agir, dans sa création de valeur, dans la posture du DRH et le positionnement qu’il impose à la fonction dont il est réellement question. C’est ensuite dans sa capacité à se saisir des enjeux stratégiques : le Strategic Workforce Planning, l’accompagnement de la transformation et l’engagement des collaborateurs.

Ce qui se joue au sein de la DRH

Comme le dit l’Amiral Olivier LAJOUS dans nombre de ses conférences, à l’armée, on sait que pour gagner du galon, il faut être exemplaire et courageux, servir le collectif, s’adapter en permanence et inspirer confiance. Il en va de même pour le DRH : c’est par sa propre exemplarité, par le niveau d’exigence qu’il impose à ses équipes et par la concertation avec ses pairs que le DRH pourra légitimer sa place au COMEX et faire reconnaître la fonction RH comme un véritable partenaire du management et des opérationnels.

La création de valeur, focus du DRH

Romain MARTIN nous offre cette entrée en matière : « Être au COMEX, c’est partager une même vision de l’ensemble des enjeux et des ressources, avoir un haut niveau de discussion et d’influence », le tout pour le bien de l’entreprise, de ses clients et de ses collaborateurs.

S’il est un sujet largement discuté, c’est bien la contribution des RH à la création de valeur de l’entreprise. Très souvent, la Direction RH est considérée comme un centre de coût, et pas comme directement contributive à la valeur ajoutée de l’entreprise. Or, comme le souligne Emmanuel DEMETZ : « Le DRH peut prendre sa place en s’élevant au-dessus du régalien pour penser Valeur Ajoutée ». La création de valeur, et la valorisation tangible de cette contribution, doivent être au cœur des préoccupations du DRH. Par exemple, « les RH peuvent jouer un rôle prépondérant dans le gain d’appels d’offres », comme le précise Emmanuel DEMETZ.

Sylvie KROUTINSKY souligne : « Quand le DG et le DRH ont une expérience difficile commune, chacun reconnaît la valeur de l’autre ». C’est bien au service du business que le DRH pourrait construire sa légitimité et celle de la fonction, en s’assurant de l’engagement des collaborateurs, de la disponibilité et de la mise à jour de leurs compétences, comme nous le verrons plus tard.

Enfin, « aborder les sujets à 360° selon leur valeur ajoutée pour les clients, l’entreprise, les managers et les collaborateurs », comme le rappelle Yannick LE HÉMON, est précisément dans le giron du DRH, et l’accompagnement des RH aux projets de transformation est l’un des enjeux stratégiques que nous aborderons ici.

La posture du DRH, enjeu suprême de la fonction RH

Daniel ULMER* et Corine GILLET s’accordent à dire que deux des compétences-clés du DRH pour s’imposer seraient : le leadership, pour embarquer ses équipes et ses pairs, et l’état d’esprit, le « business oriented mindset », pour sortir de la posture haute, sachante, experte, que l’on constate chez trop de DRH, pour aller vers le business et les collaborateurs.

Une autre compétence-clé du DRH serait d’être le garant de l’éthique et de l’exemplarité, précise Emmanuel DEMETZ. On fait ce qu’on dit, et on dit ce qu’on fait. Basique, nous direz-vous, mais c’est bien le minimum pour inspirer confiance et être au rendez-vous des attentes.

Si « les RH sont la continuité de l’âme de l’entreprise », selon les termes de Daniel ULMER, Sylvie KROUTINSKY ajoute que, « pour ancrer la valeur des RH, il faut sans cesse hausser le niveau d’exigence de soi-même, DRH, et de la fonction RH ». Challenger les dirigeants, oser s’exposer pour créer de la valeur : « ne pas avoir peur de perdre sa place ! » selon l’injonction de Corinne GILLET. Ce niveau d’exigence doit être égale pour la qualité de l’exécution et pour la pertinence des propositions faites pour améliorer la performance comme la qualité de vie au travail (QVT).

Le HR Business Partnering est sans doute le meilleur moyen de matérialiser cette nouvelle posture. Pas un simple renommage cosmétique des Responsables RH : « des RH aux côtés des managers, voire des managers acteurs subsidiaires des RH », comme l’évoque Yannick LE HÉMON. Des « HRBP » qui adoptent cette vision à 360° évoquée plus haut, capables d’adresser des enjeux stratégiques avec les patrons d’entité comme d’épauler les managers et d’écouter les collaborateurs. Des HRBP qui mettent en œuvre la symétrie des attentions : appliquer aux collaborateurs ce qu’on veut qu’ils appliquent aux clients, comme le rappelle Sylvie KROUTINSKY. Et selon les termes de Corinne GILLET : « des HRBP qui libèrent la parole, inspirent et donnent confiance, captent les signaux faibles… » D’une certaine manière, des HRBP qui sont des « mini DRH », des chefs d’orchestre en interface entre les clients internes et les fonctions expertes RH en back-office.

Enjeux stratégiques

DRH et HRBP doivent donc incarner une fonction RH ambitieuse et volontaire, au cœur de la transformation de l’entreprise, et pas une simple ressource experte qui apporte un éclairage juridico-social quand on la sollicite.

Le Strategic Workforce Planning

L’enjeu principal pour toute l’entreprise : les bonnes personnes au bon poste ! Et cela requiert un alignement parfait entre les dirigeants d’activité, les RH et la finance. Alignement et anticipation. Cette anticipation est d’abord dans les mains des RH, pour engager les discussions au niveau stratégique des futurs besoins en compétences pour servir la stratégie de l’entreprise.

Romain MARTIN et Sébastien SIMON s’accordent à dire que, dans une activité de services, et/ou quand l’impératif de qualité prédomine, la compétence est la clé. Des pays à fort coût de main d’œuvre peuvent rapatrier la production sur des métiers à forte exigence de qualité. On le voit déjà en France dans plusieurs secteurs d’activité : automobile, industrie pharmaceutique, joaillerie, vêtement… partout où des dirigeants ont fait le choix de la qualité comme facteur différenciant, ils ont pu rapatrier, non seulement la conception, mais aussi la production. D’ailleurs, chez Murfy, « les objectifs de recrutement sont directement issus de la stratégie de développement de l’entreprise », précise Romain MARTIN.

Preuve que la GPEC est un outil réellement stratégique. Car oui, l’intention originelle de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences était d’anticiper les besoins en compétences, d’accompagner dirigeants, managers et collaborateurs pour qu’ils définissent ces besoins tout en leur donnant de la visibilité sur leur propre évolution au sein de l’entreprise. GPEC… comme souvent en France, on en a fait un « machin » administratif, alors ça passe mieux en le disant à l’américaine : « Strategic Workforce Planning ».

Accompagner la transformation

Sylvie KROUTINSKY rappelle que « un DRH qui porte les projets de transformation doit avoir une vision englobante ». Corinne GILLET complète : « la transformation digitale : avant d’être un sujet techno, c’est d’abord un sujet de compétences. Le changement passe par les équipes RH qui doivent se l’approprier, être exemplaires et motrices. » Cette transformation doit donc être portée et incarnée par le DRH, comme le facilitateur du développement des compétences.

Emmanuel DEMETZ rappelle que, pour soutenir la transformation, « la qualité du dialogue social permet d’aligner les objectifs de performance, l’engagement des collaborateurs et le respect de la santé et la sécurité de tous. » Là encore, les DRH, même les plus régaliens, peuvent apporter leur contribution. Car on rencontre les difficultés ensemble, on trouve les solutions ensemble, et on continuera de travailler ensemble une fois la crise passée.

L’engagement des collaborateurs

Daniel ULMER précise d’emblée : « Donnez à deux entreprises les même capitaux, les mêmes moyens, mais pas les mêmes people, vous aurez des résultats différents ». C’est bien grâce à la qualité de ses équipes et à leur motivation à atteindre des résultats élevés que l’entreprise pourra survivre et se développer. Yannick LE HÉMON rappelle que dans un environnement VUCA**, « l’engagement des collaborateurs est la clé ; c’est un enjeu organisationnel, un enjeu de compétences et d’attractivité pour les projets ». C’est encore plus vrai dans les secteurs où la compétence est pénurique, où les RH aideront l’entreprise à faire la différence en optimisant : marque employeur, attractivité, rétention, QVT…

Conclusion

Finalement, savoir si le DRH est le N°2 n’est pas la question la plus pertinente. La fonction RH est critique et contributrice de valeur, dès lors que ceux qui l’incarnent se focalisent sur cette valeur pour leurs clients internes, du CODIR jusqu’aux opérationnels.

Les DRH peuvent apporter une plus-value à de très nombreux projets d’entreprise, comme l’innovation, qu’on pourrait considérer comme un sujet strictement business, alors qu’il s’agit d’abord de faire évoluer le mindset des managers et collaborateurs, et de développer de nouvelles compétences.

Les DRH qui sauront sortir d’une posture experte, s’ouvrir sur le business et adopter le « Test & Learn » sont ceux qui auront gagné leur légitimité comme membre à part entière du CODIR.

 

Par Ludovic MILLÉQUANT

*Daniel ULMER est l’auteur de : « Gestion prévisionnelle des emplois et compétences »

**VUCA signifie, en anglais : Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous, soit en français : Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu.

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