Les RH devraient s’ouvrir au monde pour observer ce qu’il s’y passe et anticiper les évolutions futures des organisations. Elles sont déconnectées d’un nouveau monde qui est en train d’émerger, poussé par les GAFA et autres entrepreneurs visionnaires. La notion même de ressources humaines de l’entreprise pourrait être très vite bouleversée par le déploiement des interactions possibles entre les salariés et entre l’homme et la machine. L’intelligence artificielle, la digitalisation, la robotisation, ce n’est pas pour demain. Pour rappel 90% des données existantes ont été créées ces deux dernières années. Tout va très vite, trop vite eu égard aux usages développés au sein des services RH quant à l’utilisation des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle, ne serait-ce que pour améliorer les process de recrutement. L’étude annuelle Tendances RH réalisée par le cabinet Deloitte montre que seulement «18% des entreprises s’aident de l’intelligence artificielle dans le cadre de leurs recrutements et 40% prévoient d’y avoir recours à l’avenir.»
En début de semaine, Elon Musk, le milliardaire a annoncé que sa société Neuralink, créée en juillet 2016, avait pour mission de développer des implants cérébraux afin de brancher directement nos cerveaux aux ordinateurs. Alors que l’intelligence artificielle est encore loin d’être utilisée en entreprise tout simplement pour améliorer la performance des organisations, par exemple grâce aux agents conversationnels, d’aucuns misent déjà sur l’homme augmenté capable d’interférer avec la machine pour accroître les performances individuelles.
A l’heure où certains envisagent d’enfanter l’homme et la femme cyborg, les services RH ne sont toujours pas capables d’utiliser leur Data pour asseoir une politique RH performante centrée sur le salarié, et en mesure d’optimiser l’offre de services RH grâce à un analyse approfondie des centres d’intérêt et potentiels des collaborateurs. Les organisations ne maîtrisent pas encore leurs besoins en compétences et les nouvelles formes d’emploi avec le recours à la main-d’œuvre externe (intérimaires, prestataires, freelances,etc). «62% des entreprises revoient actuellement leurs programmes d’acquisition des talents, cette problématique se situant dans le top 3 de leurs priorités. Cependant, seules 35% d’entre elles se sentent matures sur ce sujet.»
Le Digital n’est toujours pas la priorité des RH !
La fonction RH n’évolue pas assez vite et les modes organisationnels actuels sont de plus en plus obsolètes. Elle risque d’être balayée avant même d’avoir osé se remettre en question. Comme le souligne l’étude Tendances RH 2017, les RH ont pourtant aujourd’hui «l’opportunité de contribuer à réduire la distance entre les technologies, les individus, les entreprises et les politiques publiques.» Or, «seules 21% des entreprises se disent matures sur le digital RH et le situe à la 7e position parmi leurs priorités.» Si «65% d’entre elles réorganisent leur service RH pour soutenir la transformation digitale», «seulement 6% se sont déjà restructurées» !
Les données RH sont encore trop peu exploitées : «seules 16% des organisations affirment être matures sur l’analytique RH.» 16% des répondants se sentent matures sur l’analytics RH, 28% déclarent avoir des données exploitables, et 37% pensent avoir une bonne compréhension des bonnes pratiques et analytics ! Clé de voûte du pilotage et de la performance RH, «les données traitées peuvent nourrir et objectiver l’ensemble des projets RH, dont la gestion des talents, et positionner la DRH en tant que conseil auprès des autres directions».
Réflexions en cours sur l’organisation du futur
Par ordre d’importance, les RH considèrent aujourd’hui comme important ou très important l’organisation du futur (88%), la carrière et la formation (82%), l’acquisition des talents (75%) et le leadership (65%). Viennent ensuite l’expérience collaborateur et le management de la performance pour 64% des répondants.
En ce qui concerne l’organisation du futur, 9% pensent savoir comment la construire et 36% sont en train de la concevoir. Cependant 75% des personnes interrogées considèrent que « l’agilité et la collaboration » sont des facteurs critiques.
La question du leadership va devenir prédominante
Il va donc falloir redoubler d’efforts pour fédérer l’ensemble des collaborateurs autour d’un projet. Les usages digitaux ont modifié le rôle de leader pour qu’il soit en mesure de maitriser un environnement «volatil». «65% des entreprises considèrent le leadership comme important mais seules 22% s’estiment matures sur le sujet. Une des difficultés réside dans le fait que si plus de 80% considèrent les programmes de développement du leadership digital comme importants, deux tiers (67%) ne les estiment pas assez développés ou n’en ont simplement pas.» Les entreprises vont devoir se pencher sur la question afin de redonner du sens et avoir des salariés motivés pour assurer leur performance. Les RH doivent également devenir offreurs de services pour satisfaire ses clients internes.
Des politiques RH recentrées sur le salarié pour plus d’agilité
C’est pourquoi elles commencent à penser en termes d’expérience salarié et non plus uniquement en termes de processus et d’outils. Philippe Burger avance : «Ce changement de paradigme trouve ses racines dans de nombreux facteurs. Les deux principaux sont la révolution digitale qui, sans être nouvelle, s’accélère, et l’évolution des collaborateurs de plus en plus multigénérationnels, multiculturels et multicontrats».
Il ajoute : «Les RH doivent réussir à appréhender les nouvelles règles du jeu de la gestion des talents en transformant leurs pratiques. Si les collaborateurs adoptent assez rapidement ces changements, les entreprises peinent à s’adapter et à se transformer. Au-delà des freins liés à la sécurité et à la capacité qu’ont les organisations à conduire des changements, le modèle de nombreuses entreprises date du début des années 90 et de l’émergence des ERP. Le système de gouvernance des organisations, leurs processus et leur gestion se fondent donc sur des principes qui ne correspondent plus aux besoins d’agilité et de flexibilité de l’ère digitale».
La mobilité est de mise avec des carrières sans frontières, transversales, voire multientreprises. Or aujourd’hui, «seules 34% des entreprises sont en capacité de proposer ce type de carrière, mais 48% ont pour objectif d’y parvenir.»
En matière de formation, je cite, «plus de 6 entreprises sur 10 (64%) estiment que l’expérience employé représente un défi important, mais seules 23% se sentent matures sur ce sujet.» Les politiques de formation et de gestion de carrière doivent être de plus en plus individualisées permettant également l’expérimentation, être accessibles partout et en continu grâce aux plateformes digitales. Les MOOC (Massive Open Online Course) sont tendance «même si seuls 39% des répondants estiment en faire une bonne utilisation.»
De nombreux efforts restent encore à fournir. Question de volonté, voire de lucidité !
Christel Lambolez
Etude annuelle sur les tendances ressources humaines à laquelle plus de 10 000 leaders Business et RH (dont 299 en France) ont participé à travers 140 pays. Cette étude permet de mesurer le degré de maturité des ressources humaines face aux défis et aux nouvelles priorités auxquels elles sont confrontées, mais également l’importance qu’elles y accordent.