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samedi 20 avril 2024

Réinventer le travail pour affronter les bouleversements actuels

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La révolution de l’information dans laquelle est rentré le monde va se déployer irrésistiblement dans les prochaines années et remettre en question tous les savoirs et expériences qui s’étaient progressivement dégagés de l’aventure industrielle qu’a connue le monde occidental depuis deux siècles.

L’irruption de « l’intelligence artificielle » qui va la caractériser dans tous les processus de la vie privée et professionnelle va en effet se traduire par d’importants changements qui laisseront au bord de la route ceux, individus comme collectivités, qui ne sauront pas, ou ne voudront pas, les accepter comme des changements inéluctables mais riches d’autres potentialités.

 

Renouvellement des conditions du « vivre ensemble » et du « travailler ensemble »

 

Dans ces deux mondes, aujourd’hui considérés comme différents mais demain de plus en plus imbriqués, l’intelligence d’un nombre croissant de chercheurs va s’appliquer massivement à renouveler les conditions du « vivre ensemble » et du « travailler ensemble » au point de rendre nécessaire la reconception même du « travail », avant même de penser au travail collaboratif qui s’instaurera entre des êtres humains « augmentés » dans leurs performances intellectuelles. Ce changement, prévisible et irrépressible, risque de séparer de plus en plus nettement ceux qui auront eu la chance et la volonté de le chevaucher de la masse humaine qui n’aura pas pu suivre le rythme et restera encore longtemps dans ses comportements « traditionnels », c’est à dire notre monde contemporain. Sans aller jusqu’à reconstituer la classe des seigneurs, au sens moyenâgeux du terme, la classe mondiale des « dirigeants » pourra cependant avoir tendance à se croire différente des autres et « à juste titre » à « mériter » une considération particulière. Ce serait la fin d’une période historique de quelques décennies où l’humanité a su s’organiser pour entamer un développement humain concernant chaque personne et s’élever collectivement à un niveau de vie jamais connu jusqu’alors.

 

Mettre l’intelligence de chacun au service de tous

 

Ce serait le début d’un monde lourd de menaces et de risques qu’il faut s’efforcer d’éviter en mettant l’intelligence de chacun au service de tous et en plaçant le plaisir de chacun dans la réussite des autres. Cette évolution divergente est déjà en route depuis deux ou trois décennies et se traduit pas un accroissement rapide des inégalités entre la pointe de la pyramide des revenus et le reste de la population occidentale.

 

Perte de confiance dans l’avenir des prochaines générations

 

Elle se traduit partout par une perte de confiance dans l’avenir des générations à venir. Un sondage d’opinion a été réalisé récemment autour de la question : Dans votre pays, les enfants auront-ils une vie meilleure que leurs parents ? Le pourcentage de réponses positives se passe de commentaires : 33% seulement aux USA mais encore plus inquiétant, 28% des allemands, 17% des anglais, 14% des italiens et… 9% des français alors qu’il est de 82% en Chine, 59% en Inde et 65% au Nigéria ! Et ce n’est pas un retour partiel à la compartimentation de l’économie mondiale qui peut être la réponse car, même si le monde occidental fermait ses marchés, la population active découvrirait progressivement un monde économique où ordinateurs et robots se substitueront irrésistiblement à beaucoup d’emplois actuels y compris dans les ateliers d’assemblage chinois, sans parler des emplois d’aide à la personne isolée ou handicapée qu’ils rendront inutiles.

 

Changement de paradigme

 

Nous sommes en fait devant un profond changement de paradigme quant à la manière optimale de distribuer la richesse créée par l’intelligence collective. La révolution énergétique et donc industrielle a supprimé l’essentiel des emplois individuels, où chacun était « à son compte » dans un monde agricole et artisanal. En rendant plus productif la mise en commun du travail d’une communauté qui a progressivement inventé le concept d’entreprise, elle a crée, sans les chercher, les conditions de produire plus tout en distribuant aux producteurs la capacité de profiter de leur travail par le biais des salaires. Pendant un siècle, ces entreprises ont su améliorer le niveau de vie de leurs salariés par une productivité accrue que la pression syndicale savait « redistribuer » partiellement pour éviter que seuls les « propriétaires » en profitent et pour que la « condition ouvrière » en bénéficie aussi à travers des salaires croissants, contrepartie du travail physique puis de plus en plus intellectuel des salariés. Ce faisant et de manière peu délibérée, cette révolution industrielle a mis « au travail » l’essentiel de la population, masculine d’abord puis largement féminine, et a réussi, sans le rechercher vraiment, à employer tout le monde « en moyenne » malgré certaines périodes de récession plus ou moins longue. Ce résultat satisfaisant a sans doute été obtenu parce que, simultanément au développement des industries puis des services, les générations de l’époque ont su mettre à profit un gisement croissant de connaissances et d’inventions transposables opérationnellement en une offre renouvelable de biens et services, dans un équilibre fragile mais finalement suffisamment robuste pour que le système économique soit perçu assez positivement par toutes les couches de la population et qu’il ne fonctionne pas trop exclusivement pour la couche la plus éduquée. Et ceux qui ont pensé en termes plus idéologiques que pragmatiques et qui, en voulant « artificiellement » intervenir sur cette distribution des « fruits de la croissance» ont finalement échoué, après avoir transformé en sujets les « masses laborieuses » qu’ils prétendaient défendre.

Mais, depuis trente ans, ce système économique s’est progressivement déréglé en se mettant de plus en plus au service des « happyfew » et en n’étant plus capable d’employer la totalité des actifs. Le développement des filets sociaux a pu compenser un certain temps la baisse d’efficacité du système jusqu’au moment, actuellement, où ils atteignent leurs limites et où ceux qui contribuent à leur financement en viennent à penser prioritairement et égoïstement à leurs intérêts personnels, quelles qu’en soient les conséquences pour les autres.

 

Que faire pour renverser la vapeur ?

 

Pour le monde occidental et plus particulièrement européen, le moment est grave car les limites de la solidarité librement consentie sont atteintes, la révolution de l’information en route va continuer à détruire beaucoup d’emplois traditionnels et les responsables de l’intérêt collectif que sont les élus politiques sont de plus en plus déconnectés du monde « réel ». Que faire pour renverser la vapeur, éviter la poursuite d’une évolution très dangereuse pour nos valeurs démocratiques et retrouver un dynamisme collectif permettant de se ressaisir et de rebondir durablement dans le monde que façonne le génie humain ? Réponse : « réinventons le travail », c’est à dire la contribution de chacun à la construction d’un « bien vivre ensemble». Qui peut le faire ? Chaque entreprise, chaque communauté de travail à qui il appartient de découvrir le potentiel de performances inexploité chez chacun de ses membres et de s’organiser autrement pour exploiter ce gisement inépuisable au service de la performance accrue de chaque entreprise, et donc de chaque nation où le « vivre ensemble » incombe à des administrations ayant les mêmes caractéristiques que les entreprises.

 

Réinventons le travail

 

« Réinventer le travail » ne peut plus être le résultat d’un seul effort conceptuel car la liberté de comportements et d’initiatives qui caractérise notre époque n’est plus compatible avec l’efficacité d’une pensée plus ou moins solitaire qui concevrait, dans sa puissance intellectuelle, son expérience et sa sagesse. LE nouveau système donnant à chacun sa chance : dans un monde ouvert à toutes les informations, tous les modes de pensée, tous les échanges instantanés, il serait utopique de prétendre seul (moi Etat, moi Patron) être capable de maîtriser suffisamment la « situation » pour trouver LA « solution ». Ce n’est qu’ensemble, au niveau de la communauté de travail de base qu’est l’entreprise, que cet effort d’imagination et de réflexion a quelques chances de se traduire concrètement par l’amélioration de performances dont elle a besoin pour se donner l’envie de continuer à construire son changement.

 

Coréflexion et coconstruction

 

L’évolution technologique que nous vivons facilite grandement cette Coréflexion, cette Coconstruction qui s’est répandue très rapidement dans le monde privé des réseaux sociaux et qui a besoin de pénétrer le monde professionnel et administratif, ne serait-ce que parce que ce sont les mêmes acteurs qui sont concernés et qu’ils refuseront vite d’être schizophrènes dans une activité « au travail », totalement étanche à leurs comportements « privés ».

L’outil permettant de réfléchir ensemble existe. Reste à préciser qui est associé à cette réflexion : la réponse est évidente… tous les membres de chaque communauté, quelles que soient leurs fonctions et positions dans l’organisation concernée dans l’entreprise ou l’administration. Elle est peut être évidente mais elle n’est pas spontanée, au moins dans notre France où la relation entre les classes « dirigeantes » et la « masse des travailleurs » continue à s’inspirer d’une culture historique pluri centenaire privilégiant la hiérarchie qui « sait » et qui a le devoir de « protéger » les acteurs anonymes en contrepartie de leurs prestations obéissantes et passives, y compris par un Code du Travail envahissant.

Cette caractéristique française n’est plus opérationnelle aujourd’hui au moment où la double révolution de la libération des personnes et de l’explosion des connaissances rend obsolète tout modèle fondé sur le contrôle et la rareté du savoir. Il risque même de se transformer en handicap si ce système d’organisation n’évolue pas rapidement pour libérer les initiatives car il poussera une part croissante des jeunes générations à « chercher fortune » ailleurs en profitant de cet acquis majeur qu’est la liberté de chacun de s’accomplir lui-même.

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