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jeudi 18 avril 2024

Que signifie être un DRH entrepreneur ?

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DRH et entrepreneur, n’est-ce pas deux termes antinomiques ?

Pourquoi est-il nécessaire de vouloir lier le mot DRH avec celui d’entrepreneur ? Le terme entreprendre, tire ses racines de l’ancien français (vers 1140) et signifie « attaquer, interpeller, s’indigner, faire, agir, séduire, influencer, diriger, … » Ce n’est qu’au XIXème siècle qu’il a revêtu le sens créer une entreprise. Il évoque d’abord le fait d’être libre de ses actes et de ses paroles. C’est ce que j’essaie de m’appliquer au sein de l’entreprise, en cela un DRH est un entrepreneur.

Durant mon parcours professionnel de plus de 25 ans, je me suis enrichi de plusieurs expériences, dans des champs d’activités très divers, de la High Tech à la Banque en passant par le BTP, les Télécoms et l’Énergie. Je peux dire qu’un DRH joue sur toute la gamme de l’entrepreneur dans le sens où il vend, négocie, convainc, doit maîtriser le droit et le marketing. Le DRH ne peut être qu’un entrepreneur car il touche tous les éléments qui font la vie de l’entreprise. Il doit prendre la posture d’un challenger et non d’un suiveur. Jamais je n’ai douté de sa légitimité dans l’entreprise.

Je trouve qu’à l’heure actuelle, les DRH se posent beaucoup trop de questions. Ma présence au sein du Comex a toujours été une condition sine qua non pour accepter un poste, sans questionnement sur ma légitimité. Je n’ai jamais voulu dépendre d’un secrétaire général, encore moins d’un directeur financier. Pour pouvoir entreprendre et mettre en place des actions au sein de l’entreprise, il vaut mieux bien se positionner dès le départ. Je n’aime pas utiliser le terme de business partner car le terme renvoie à une activité qui pourrait très bien être sous-traitée. Or, le DRH est bien au cœur de l’entreprise et agit comme un de ses dirigeants afin de s’imposer dans les décisions prises.

Dans quel contexte vous sentez-vous entrepreneur ? Pouvez-vous nous raconter quelques histoires vécues ?

La fonction RH me passionne car elle permet de centrer l’entreprise sur sa meilleure valeur ajoutée, les femmes et les hommes qui au quotidien l’enrichissent. Les DRH doivent transmettre leurs convictions et savoir-faire d’entrepreneurs pour aider l’entreprise à trouver son équilibre dans toutes les dimensions qui font l’entreprise et en particulier, bien entendu, la dimension humaine. Je questionne mes collègues au sein du Comité exécutif quel que soit le sujet, et je me permets de challenger la direction financière, celle des opérations sur les conséquences des décisions stratégiques prises et leur impact sur les modèles de d’organisation et les femmes et hommes qui la composent.

En tant que DRH entrepreneur, il faut s’imposer pour apporter une autre vision à l’entreprise. Il faut se poser la question du « sens », du pourquoi on agit en ce sens, et du « comment » on va le faire, on crée le résultat, et non pas se focaliser uniquement sur les chiffres et les processus. Si vous donnez de l’ « empowerment », de la responsabilité, votre confiance, vous créez un engagement incroyable !

Il faut également être en veille sur ce qui se passe dans le monde pour faire évoluer sa structure. Comment se fait-il aujourd’hui que les entreprises soient en retard, voir dépassées sur les nouvelles technologies ? Être entrepreneur c’est initier le changement et non pas le subir. Cette philosophie m’a conduit à mettre en place plusieurs actions telles que la création au milieu des années 90 de l’Institut de gestion sociale au sein du Campus d’une entreprise de Télécom. Son objectif était de faciliter la communication entre les collaborateurs mais aussi faciliter les débats entre managers, élus et syndicalistes. Ils ont joué le jeu et, pendant deux ans, cet espace de dialogues a permis de mieux comprendre les positions des uns et des autres et leur vision de l’entreprise.

Le DRH doit parfois se battre pour imposer son point de vue. Dans les années 2000, alors que je travaillais dans le secteur de l’énergie, j’ai dû mener un combat pour ne pas couper les budgets formation alors que nous vivions un lourd plan social. Non seulement mon DG m’a approuvé mais, de surcroît, nous avons pu créer un petit centre de formation pour repartir sur des bases saines et solides et construire à nouveau un avenir.

Aujourd’hui, autre exemple, je gère un périmètre RH avec des pays dits complexes (Libye, Égypte, Côte d’Ivoire, etc). Certains vivent des guerres civiles et il faut continuer à être présents, et ne pas se défiler. Par ailleurs, nous avons créé avec mes équipes RH la Digital Factory, une entité interne spécialisée en e-learning et blended-learning, basée en Pologne, pour BNP Paribas et ses filiales. Petit start-up de 3 personnes, elle s’autofinance et illustre l’entreprenariat interne au sein d’un grand groupe. Comme quoi on peut être DRH et entrepreneur !

Comment communiquez-vous l’esprit « entrepreneurial » au sein de votre entreprise ?

Elle se résume autour de quatre notions : la délégation, la responsabilisation, la confiance, et l’octroi de davantage de responsabilité aux individus. Nous créons l’environnement et les conditions nécessaires au développement du management collaboratif. Nous vivons une époque de renouvellement de nos métiers. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le développement de nos activités en ligne génère davantage de contacts humains. Existe par conséquent une corrélation étroite entre la digitalisation et une reconstruction des rapports humains.

L’accompagnement du changement part aussi de l’évolution des styles de management et de la remise en question de ses fondamentaux. Il faut commencer par sensibiliser les membres du Comex. Cela peut prendre du temps. Les modèles évoluent et il n’y a pas d’opposition entre un cadre hiérarchique et des méthodes collaboratives. Nous pouvons avoir recours à de nombreux outils pour former et accompagner les transformations et l’évolution du travail. Mais c’est la façon dont sont gérés femmes et hommes qui va impulser le changement. Il faut respecter la liberté d’agir tout en donnant un cadre. Collaboration et hiérarchie, liberté et cadre ne sont pas antinomiques mais complémentaires.

Que vous apporte votre vision globale sur le positionnement de nos entreprises en matière d’entrepreneurship à l’international ?

À l’étranger, on admire les grandes entreprises françaises, la qualité de l’innovation et de la créativité. Nous avons tendance à vouloir être parfaits et on nous reproche souvent notre côté « donneurs de leçons ». Je constate aujourd’hui que notre société reste souvent bloquée sur une vision du monde ancienne et il y a un fossé entre ceux qui bénéficient de la mondialisation et ceux qui y restent à l’écart. Or, chacun devrait pouvoir se réapproprier les intérêts de la globalisation. Il faut rapprocher l’entreprise du monde de l’Éducation dans un premier temps. Il faut également inciter les individus à explorer d’autres univers. Aujourd’hui, 95% des actifs restent dans leur pays. L’objectif n’est pas d’expatrier tout le monde mais il faudrait immerger les collaborateurs dans cet esprit international notamment grâce à des « learning expéditions », un meilleur apprentissage des langues, d’une culture économique, géographique et historique. Bref, l’international passe par la curiosité et l’éducation. Les entreprises du CAC 40 ont une puissance extraordinaire et réussissent à l’international. Il faudrait que les pouvoirs publics se mobilisent pour aider les TPE et PME à suivre le même chemin.

Propos recueillis par Christel Lambolez

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