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vendredi 19 avril 2024

«Nous devons déclencher l’état d’urgence numérique»

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Pouvez-vous nous présenter dans un premier temps le G9+ et ses principales actions ?

L’institut G9+ est une association créée en 1995 et qui fédère aujourd’hui 24 communautés d’anciens diplômés d’écoles d’ingénieurs, de management, de sciences politiques et d’universités. Ce réseau représente 50 000 professionnels du numérique et bénéficie également d’une ouverture sur l’ l’international grâce à nos membres qui travaillent dans le monde entier. Au départ un club informel, le G9+ est devenu progressivement un Think Tank autour des thématiques du numérique.
Notre volonté est de permettre à tous de mieux appréhender cette transformation numérique, ces dimensions techniques, économiques et sociétales afin de relever les défis de notre temps de manière responsable. Le numérique peut-être un vecteur de progrès social et environnemental ainsi que de compétitivité pour nos entreprises si nous nous donnons la peine d’en saisir la complexité et les opportunités. Ce sont les entreprises, les emplois et la société de demain qui est en jeu.
A titre d’exemple, notre prochaine grande rencontre annuelle, le 7 mars 2017, abordera la question de l’avenir du travail, une question fondamentale. Elle aura lieu à la Maison des Arts et Métiers, avenue d’Iéna à Paris. En rythme de croisière, nous organisons environ 40 conférences par an et réalisons plusieurs livres blancs.
Nous avons récemment publié l’ouvrage «2017 : #100idées pour une France numérique», sous la direction de notre président Luc Bretones, destiné à promouvoir plusieurs actions en France en faveur du numérique. Des leaders d’opinion d’envergure principalement des entrepreneurs y ont contribué afin de proposer 100 idées concrètes, simples et innovantes pour mettre le numérique au cœur de la stratégie de l’état.
D’évidence pour nous, aucune politique publique ne peut faire l’économie d’une réflexion et de l’intégration des enjeux du numérique, des nouveaux paradigmes (engagement de la multitude, big data, cloud computing, économie de plateformes, ….) ni de l’amplification des possibilités offertes par l’internet des objets, la robotique, l’intelligence artificielle ou le HPC. Nous sommes entrés dans une économie de l’innovation numérique.

L’ouvrage propose donc 100 premiers pas pour mettre le numérique au centre de la stratégie de l’Etat à l’approche des élections présidentielles. Les idées proposées sont la propriété de leurs auteurs. L’institut souhaite ainsi contribuer à l’existence d’un débat intelligent sur le sujet du Numérique souvent mal maîtrisé par nos élus.

Pouvez-vous nous faire part des enjeux concernant l’entreprise qui sont pour vous prioritaires ?

Dans l’ouvrage, nous avons développé treize thématiques, 13 enjeux du numérique, qui sont les différents chapitres du livre et qui nous semble devoir être adressé par chacun des candidats dans le cadre de leur programme. La moitié de l’ouvrage concerne les entreprises car nous sommes entrées dans une phase d’évolution rapide des activités des entreprises et du travail.
Le numérique peut être disruptif au niveau social et humain. Les changements ont besoin d’être accompagné au niveau législatif et au sein des organisations. Nous pouvons mettre en commun nos meilleures pratiques pour réussir ensemble.
Développer l’écosystème du numérique est l’un des principaux enjeux. Il s’agit de réunir les conditions pour aider les pépites françaises à créer les emplois de demain et à étendre leurs activités à l’international. Le système de financement en France n’est pas assez développé et par ailleurs, nous devons réunir les conditions d’un marché continental Européen pour favoriser le passage à l’échelle de nos startups les plus prometteuses sous peine qu’elles se fassent racheter par des acteurs notamment américains ayant bénéficié de source de financement plus important et d’un marché continental plus vaste. Le problème est celui de la taille de l’aquarium : il ne peut pas y avoir de gros poisson dans un petit aquarium » pour reprendre un métaphore que nous apprécions au sein du G9+.
La deuxième idée forte est de repenser la relation au travail, en incluant dans la démarche une réflexion sur les impacts de l’automatisation (robotisation, intelligence artificielle,…), les nouvelles formes d’emploi issues de l’économie de plateformes, la transformation du lieu de travail qui devient de plus en plus intelligent et connecté tout en tenant compte de de la flexibilité qu’offre le numérique pour faciliter le travail à distance ou télétravail. Il y a une demande de plus en plus forte que l’entreprise soit véritablement un lieu de sens et d’engagement. Les nouvelles générations veulent davantage de fluidité en matière d’information et plus d’autonomie et de souplesse dans l’organisation du travail, plus de mobilité pour « slasher » en interne comme en externe. Elles aspirent à adresser régulièrement des nouveaux challenges au sein de communautés autonomes et apprenantes, et des opportunités pour travailler sur très régulièrement sur des nouveaux sujets. Notre législation doit évoluer pour accompagner cette mobilité professionnelle tout au long de la vie tout en préservant le droit à la protection sociale de tous ceux qui travaillent.
Parmi les idées proposées par les contributeurs, pour en citer certaines, il y a la proposition de Viviane Chaine-Ribeiro (#17) qui invite à responsabiliser les entrepreneurs dans le cadre de leur stratégie RSE via l’ouverture d’ateliers de fabrication numérique afin de soutenir des communautés porteuses d’innovation, celle de Stanislas de Remur (#18) pour favoriser l’émergence du bulletin de paie électronique, celle de Thibault Lanxade (#19) en faveur de la digitalisation de la relation inter-entreprises. Ou encore celle de Jean-Philippe Courtois (#13) qui nous invite à multiplier les logiques de partenariat entre startups et grands groupes selon de le modèle vertueux de l’économie partenariale à l’instar de Microsoft (en 10 ans plus de 1700 startups ont été aidés par Microsoft et est au cœur d’un écosystème riche de 11 000 partenaires).
Il s’agit également de s’interroger sur les leviers à activiter pour favoriser le développement des TPE et PME. Thibault Lanxade (#28) préconise lui d’accélérer la digitalisation des PME notamment dans l’utilisation du numérique dans les relations clients via l’utilisation des techniques ingénieuses de vente et de logistique des grandes enseignes comme le « Click and Collect » en proposant le retrait en magasin ou encore la géolocalisation dans le cadre d’annuaires enrichis de contenus. Il s’agit de s’inscrire dans une logique et une intelligence de market place.

Vous abordez dans votre ouvrage la création d’une organisation « Stratégie, Innovation et Management scientifique du numérique » sur le modèle de l’organisation scientifique du travail. Quelles en seraient les ambitions ?

Christophe Legrenzi (#25) part du constat que la technologie n’est pas un levier suffisant et que la performance des entreprises repose sur sa capacité à réinventer ses modèles d’organisation. Il propose dans ce cadre la création d’une organisation indépendante dont le rôle serait de contribuer à l’identification et à diffusion des bonnes pratiques internationales en matière d’innovation, de stratégie et de management numériques. Cette organisation aurait également pour mission de suivre l’évolution du digital au sein de la société française, secteur par secteur, sur la base d’indices macro et micro-économiques spécifiques de type NRI (Network Readiness Index). Elle permettra de mesurer la valeur créer à court et long terme sur différens plans (sociétal, économique, humain, etc.).

Les organisations traditionnelles rencontrent de plus en plus leur limite. En tant que professionnel, je vois beaucoup de salariés qui n’arrivent pas à exprimer pleinement leurs talents dans les modèles hiérarchiques pyramidaux nés avec le taylorisme. Je vois également des dirigeants et des managers un peu désemparés face à la baisse de motivation des salariés et face aux attentes des nouvelles générations. Les salariés sont en quête de sens et de reconnaissance, d’autonomie et de participation aux prises de décision.

Il est fondamental de se donner le droit à l’expérimentation pour réinventer nos organisations afin de gagner en agilité et en engagement des salariés.

L’entreprise a besoins d’une palette de talents aujourd’hui pour assurer sa performance. Elle sollicite par conséquent tout son écosystème d’experts et de spécialistes pour l’accompagner dans sa stratégie et son développement et devient par conséquent étendue. Vous proposez donc de créer un syndicat national des travailleurs collaboratifs/contributifs. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

La diversification des formes du travail et l’augmentation des travailleurs multi-statuts invitent à réunir les conditions nouvelles de protection sociale et de protection individuelle (retraite, chômage, droits sociaux,…). Benoit Thieulin (#33) préconise la création d’un syndicat des travailleurs collaboratifs/contributifs afin de recréer du collectif et favoriser la reconnaissance des droits et obligations des travailleurs des plateformes collaboratives.

Grégoire Leclerc et Denis Jacquet (#37) tous deux membres de l’observatoire de l’ubérisation proposent pour leur part de redéfinir les contours du salariat afin du risque de salariat déguisé. Une définition révisée permettra de faciliter le recours à des travailleurs indépendants. Cette évolution est souhaitable elle répond à des nouvelles aspirations de ceux qui travaillent (Gig Economy). Ainsi un certain nombre de jeunes recrutés ne souhaitent plus un emploi de salarié et préfère le mode « freelance ». Elle permettra également aux entreprises de diversifier le sourcing de leurs talents et d’avoir d’autres leviers d’adaptabilité et de flexibilité.
Un tel changement de la société et de la culture est un formidable défi qu’il convient d’accompagner dans les pratiques managériales et la culture d’entreprise.

On en arrive à une remise en question des relations sociales et la promotion d’une négociation sociale 2.O…

Alexandre Zapolsky («#34) promeut en effet une négociation sociale 2.0. Le raisonnement est le suivant : puisque le numérique change la donne, qu’il permet de réfléchir différemment à un certain nombre de sujets nouveaux, imaginons des expérimentations sectorielles dans ce domaine. Les questions liées au temps et au lieu de travail, par exemple, se présentent sous un nouveau jour : est-il plus efficient de travailler 35 heures par semaine dans une entreprise ou connecté depuis son domicile? Désormais, ces nouveaux modes de fonctionnement ne sont pas l’apanage des jeunes entreprises innovantes, car elles se développent
dans de grandes entreprises. L’objet même du dialogue social est donc en train de muter sous l’influence de la révolution numérique. Cette solution ne doit pas effrayer les institutions et les partenaires sociaux.
Pour appréhender sereinement et rationnellement ces nouveaux défis, expérimentons !

Propos recueillis par Christel Lambolez

Nadia Robinet @nadiarobinet est vice-présidente du G9+ et senior coach, présidente de YesWeCoach.

Site du G9+, think tank du numérique : www.g9plus.org

 

 

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