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vendredi 19 avril 2024

« Nous allons tous devenir des apprenants permanents »

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La deuxième édition du Grand livre de la formation vient de paraître aux éditions Dunod. Bible des temps modernes, l’ouvrage aborde le cadre et l’environnement de la formation professionnelle, les modalités de formation actuelles et les grands enjeux à venir en termes d’employabilité et de montée en compétences. Sous la direction de Michel Barabel, Olivier Meier, André Perret et Thierry Teboul, ce guide est un livre « chorale » qui ouvre tous les champs de la réflexion grâce à de nombreux experts et acteurs du monde privé et public. Entretien avec Michel Barabel, maître de conférences en gestion des ressources humaines, et co-auteur du Manageor aux éditions Dunod, avec Olivier Meier.

Pouvez-vous dans un premier temps nous présenter votre ouvrage et expliquer l’importance de guider aujourd’hui les professionnels de la formation ?

La formation est un champ complexe dans lequel gravitent beaucoup d’acteurs publics et privés. « Le Grand livre de la Formation » comporte par conséquent de nombreuses contributions afin d’apporter une vision exhaustive de toutes les problématiques et enjeux actuels de la formation. La parole est donnée aux patrons de branche, aux financeurs (acteurs publics : Etat, région…), aux institutionnels (FFP, Garf, Afpa, Centre Inffo) aux OPCA, aux professionnels (directeurs de formation), aux experts (pédagogues, enseignants, consultants), etc. La première édition est parue en 2012 dans un environnement légal structuré par la loi du 24 novembre 2009. En 2016, l’ouvrage était devenu totalement obsolète suite notamment à la réforme de la formation professionnelle du 5 mars 2014. Ce travail de réécriture a été particulièrement important et plus qu’une nouvelle édition. Il s’agit d’un nouveau livre (plus de 60% de nouveaux contenus). Cela s’explique par le fait que l’environnement a diamétralement changé : fin des obligations fiscales, nouveaux rôles des OPCA, poids de la certification, création du CPF, émergence de nouveaux formes d’apprentissage : MOOC, SPOC, blended-learning, réalité augmentée). La formation est ainsi devenue un enjeu RH de premier ordre. Elle possède également de nos jours une dimension politique centrale car elle répond aux problématiques de chômage, d’employabilité ou de compétitivité.

La formation a pris une telle importance qu’elle sort parfois du domaine RH. Quel rôle doit tenir à l’heure actuelle le directeur ou responsable formation ?

Ce n’est pas parce qu’elle n’est plus forcément rattachée à la RH qu’elle ne traite pas d’enjeux humains ! Mais, en effet, certaines entreprises misent sur les Universités d’entreprise pour développer les compétences et dans certains cas, elles dépendent directement de la direction générale. C’est le cas par exemple chez Renault. De facto, les profils des responsables formation ont beaucoup évolué ces dernières années (évolutions juridiques, technologiques, sociétales, économiques, …). Ils endossent de nombreux rôles (vendeur, conseiller, financier,). Par exemple, les entreprises leur demandent d’être davantage prospectifs afin d’anticiper les besoins futurs en matière de compétences (être un stratège). Ils sont devenus peu à peu également des ingénieurs de formation qui doivent utiliser de façon pertinente et efficace l’ensemble des modalités pédagogiques (présentielle/distantielle, formelle/informelle, individuelle/collective, …) et concevoir de vrais parcours qualifiants et certifiants. Beaucoup de responsables actuels ne possèdent pas les qualités requises pour incarner le profil du responsable formation du 3e type.

Comment expliquez-vous ces évolutions ?

Il faut savoir que la production de données ne cesse de s’accroître de manière exponentielle dans le monde et les entreprises devront en gérer 4 fois plus en 2020 qu’aujourd’hui avec l’avènement en particulier de l’IoT (internet des objets,). Ainsi, 90% de la connaissance mondiale a été produite ces deux dernières années . On ne peut donc plus demander aux formateurs d’être des sachants qui diffusent un savoir de manière verticale (top down). Cette asymétrie de la connaissance a été remise en question par l’accessibilité à la formation pour tous, notamment grâce à des plateformes modernes et performantes comme les vidéos sur Youtube ou les MOOCS. On est passé d’un savoir vertical hiérarchisé à un savoir horizontal non stabilisé, en évolution constante et qui mobilise des apprentissages informels, immédiats et aléatoires. Les formateurs doivent se transformer en accompagnateurs, capables de coacher les salariés, pour qu’ils « apprennent à apprendre » tout au long de leur vie, qu’ils deviennent des apprenants permanents. D’ailleurs, les études prospectives montrent que les actifs consacreront 10 à 20% de leur temps de travail à la formation en 2060. Imaginez-vous un à deux jours par semaine en formation ! Dès à présent, il faut intégrer des nouveaux processus d’apprentissage afin de ne pas devenir très vite obsolètes. Les formateurs doivent « jongler » avec cela mais les directeurs de formation également car c’est eux qui conçoivent, pilotent et évaluent les systèmes de formation.

Beaucoup de courants de pensées avancent que l’intelligence artificielle risque à terme de se substituer à l’intelligence humaine. Qu’en pensez-vous et quel impact sur les formations des hommes et des femmes ?

Il existe un courant transhumaniste, technophile, au sein de la Silicon Valley, avec des représentants dans tous les pays, qui pense qu’à l’horizon 2050 (certains parlent même de 2035) la machine dominera l’homme grâce à des capacités d’analyse et de réflexion supérieures (big data, deep learning, ordinateur quantique, processus d’amélioration continu). Cela rend pour eux inévitable la fusion de l’homme et de la machine avec l’avènement d’un « homme augmenté ». Certaines start-up planchent déjà sur ces questions avec de gros budgets de R&D. A l’inverse, de nombreux technophobes n’y croient pas du tout. Au-delà des questions éthiques, ma conviction est que les nouvelles technologies, contrairement aux idées reçues, poussent à intensifier les relations et les « qualités » humaines (esprit critique, prise de recul, collaboration, …).
Il est évident que le Digital va impacter tous les emplois. A mon sens, plutôt qu’une destruction de millions d’emplois comme l’annoncent certaines études, c’est plutôt une mutation plus ou moins prononcée de l’ensemble des métiers (nouvelles missions, nouveaux rôles, nouvelles compétences,) à laquelle nous assisterons. Par exemple, les processus normés (contrôle, procédure, actions mécanismes, …) pourraient être délégués à la machine au profit de rôles relationnels (échange, interaction, partage, coopération) et d’un focus plus important porté à l’innovation, la création et la qualité des relations humaines. Pour nous préparer à ces défis, il faut, dans le domaine de la pédagogie, limiter les modalités de formation standardisées et contrôlées et combiner le plus d’approches d’apprentissage possibles dans des temps d’apprentissage éclatés. Les lieux d’apprentissage doivent, plus que jamais, être des lieux de socialisation avec des approches pédagogiques multimodales. Les capacités d’abstraction deviennent de plus en plus importantes. D’où l’importance d’injecter davantage de transdisciplinarité et de faire sauter les silos. Tout l’art des responsables formation va être de pouvoir offrir des environnements riches, personnalisés, qui laissent même la possibilité à l’apprenant de construire son propre parcours de connaissances.

Propos recueillis par Christel Lambolez

Se procurer l’ouvrage sur le site Dunod

 

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