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samedi 20 avril 2024

«Les nouvelles technologies nous obligent à réinventer nos métiers»

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Vous avez accompagné de grands groupes en matière de prospective RH. Quelle est votre analyse sur la capacité de la fonction RH à accompagner les grandes mutations économiques des entreprises ?

La plupart des DRH ont pris aujourd’hui conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans les grandes évolutions de nos organisations mais ils ne possèdent pas forcément les compétences nécessaires pour changer de posture et s’imposer en tant que leaders de la transformation. Ils doivent à la fois assurer le fonctionnement des RH, alourdis notamment par des process imposés par la loi, et devenir des agents du changement.
Les enjeux sont stratégiques et le DRH est le directeur aujourd’hui de la ressource stratégique. Or, les RH ne représentent pas l’option noble des Grandes Ecoles et n’attirent pas les jeunes diplômés. La moitié des DRH des entreprises du CAC 40 ne sont plus issus de la fonction RH. Je reste cependant optimiste quant à la faculté de cette fonction à se remettre en question et à évoluer.

Pourquoi la 3e guerre des talents est-elle pour vous une évidence?

Les entreprises se heurtent aujourd’hui à trois facteurs. Premièrement, il y a des métiers en tension qui ne fournissent pas assez de profils compétents sur le marché de l’emploi. Deuxièmement, la concurrence entre les entreprises induit une course aux offres RH pour attirer et fidéliser les candidats. Tout l’enjeu est d’arriver à attirer et garder les potentiels dont une entreprise a besoin pour assurer sa performance et sa pérennité. Troisièmement, les DRH vont devoir gérer la multiplicité des statuts dans une logique d’entreprise étendue qui comprend les ressources internes propres mais également tout l’écosystème de valeurs qui l’entoure et inclut les personnes intérimaires, celles travaillant en freelance ou encore les auto-entrepreneurs. Les DRH savent gérer les CDI mais n’ont que très partiellement la main sur les autres types de contrats qui passent plutôt par les services achats. Ils se déchargent par conséquent de fait de la responsabilité de former et de veiller à l’employabilité et la performance des autres personnes qui travaillent aussi pour le compte de l’entreprise. Cette 3e guerre des talents comme on l’appelle est vécue par bon nombre d’entreprises à l’heure actuelle.

Vous parlez d’obsolescence des compétences. Qu’entendez-vous par là?

Avec l’accélération des innovations technologiques, on assiste à un réel problème d’obsolescence des connaissances. Cela signifie qu’une partie de nos savoirs est toujours dépassée car non actualisée de façon régulière. Pour avoir une vision claire sur les changements en cours, il faudrait consacrer beaucoup de son temps à la veille et à la curation d’informations. Les individus sont enfermés dans leur propre bulle, cela est beaucoup plus confortable pour eux car ils ont ainsi l’impression de maîtriser leur environnement. Ils confortent leurs idées grâce aux bulles informatives générées par les algorithmes et marketées selon leurs envies ou centres d’intérêt.
Or, il est crucial de nos jours d’accepter son obsolescence et d’en faire une règle pour ne pas s’enfermer dans des types d’analyses cloisonnées. Jack Welch, le CEO de General Electric, l’avait bien compris quand il avait lancé une vaste opération de changement appelée «Destroy-your-business.com». Il obligeait ainsi ses collaborateurs à toujours anticiper la manière dont leurs activités pourraient être « disruptées ». On peut dans ce sens se demander pourquoi les taxis n’ont pas eux-mêmes penser à créer Uber ?

Cela nous amène à la « désavoifairisation » qui comme son nom l’indique oblige à se remettre en question pour embrasser de nouveaux savoir-faire. Quels sont les leviers actuels pour s’adapter rapidement aux marchés évolutifs ?

Il faut être en mesure de repositionner ses compétences et en acquérir de nouvelles sans cesse. Les nouvelles technologies peuvent également devenir un levier positif pour actualiser d’anciennes compétences et les transmuter vers un avantage comparatif certain. Par exemple, l’apparition du GPS a «désavoifairisé» les anciens chauffeurs de taxis quant à leur connaissance des rues mais en même temps a permis à des jeunes novices d’entrer sur le marché du travail en exerçant ce métier grâce à cet outil numérique. Les technologies qui permettent le développement de la santé connectée vont peut-être réduire partiellement le nombre de médecins, mais parallèlement elles vont augmenter le nombre de patients et l’amélioration des soins grâce à des approches prédicitives et des analyses plus fines des états des patients. La télémédecine va favoriser l’accès à des soins supplémentaires. Chaque métier va devoir étudier des façons de faire différentes et comment utiliser la technologie pour améliorer les tâches.

Pourquoi est-il nécessaire de hacker la fonction RH?

L’entreprise d’aujourd’hui ressemble à une super armure du Moyen-Âge : elle est belle mais enferme les personnes et devient par conséquent inefficace. Les armures sont d’abord au niveau de la structure elle-même, les bureaux. Les entreprises cherchent à l’heure actuelle quels espaces de travail seraient les plus appropriés. Dans ce cas il faut hacker cette armure pour la rendre plus souple et compatible avec les nouveaux modes collaboratifs. Les neurosciences vont bouleverser nos approches sur les atmosphères de travail également. Les études montrent que les formes fractales, la nature, favorisent par exemple la créativité. Nos systèmes ont également besoin d’être hackés car ils paralysent. Nous avons mis en place beaucoup trop de systèmes de process d’audit et de contrôle. Enfin, nous sommes également enfermés dans des armures culturelles qui vont des codes vestimentaires à l’application du LIFO en RH : nous avons l’habitude par exemple de licencier les derniers arrivés dans une entreprise en cas de crise. Or, ce sont parfois eux les plus productifs et les plus performants et surtout ce sont ceux qui ont le plus besoin de protection car les moins sûrs économiquement. Cela coûte moins cher à court terme pour l’entreprise de s’en séparer mais sur le long terme elle commet une « faute » stratégique et de coût car elle se coupe de compétences dont elle a besoin.

D’où doivent partir les changements?

Les directions générales doivent donner de nouvelles orientations mais je ne crois pas aux recettes miracles. L’Holacratie est une approche complexe qui peut fonctionner au sein de structures de taille moyenne. Des approches hyper responsabilisantes des salariés peut même leur faire peur car la grande majorité des personnes n’a pas vocation à être entrepreneur. La société s’organise aujourd’hui en réseaux et devient par conséquent plus transversale avec une dilution de ses échelons hiérarchiques. Je ne suis pas contre les silos mais ils doivent être plus poreux de manière à fluidifier l’information et favoriser les échanges. Nous sommes entrés dans une société de partage et c’est plutôt sain. Le manager doit changer de rôle car il n’est plus le transmetteur unique de l’information. Il a aujourd’hui une fonction d’intermédiation notamment pour anticiper l’obsolescence des compétences et donner de nouvelles perspectives. Il lui revient de donner une cohérence globale à l’équipe.

 

 

 

Propos recueillis par Christel Lambolez

Dominique Turcq est docteur en sciences sociales (EHESS, Paris) et en management (Doctorat HEC).

 

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