Quelles sont les compétences clés du XXIème siècle ?
Notre société a changé avec l’avènement des nouvelles technologies. Peu à peu les tâches chronophages et parasites sont complètement transférées à la machine afin de permettre aux cerveaux de se concentrer sur les tâches complexes et non routinières. Ce phénomène va s’accélérer et les compétences qui vont être les plus sollicitées dans les prochaines années sont appelées les 4C pour Créativité, esprit Critique, Communication et Coopération. Ces nouvelles qualités ont déjà été détectées il y a une quinzaine d’années par de grandes entreprises américaines, telles que Cisco et Microsoft, qui y ont consacré une partie de leurs recherches pour affronter le XXIème siècle. L’OCDE a pris la relève et travaille à l’heure actuelle sur le sujet. Il y a deux autres grandes catégories de compétences qui seront recherchées sur le marché du travail: les «literacy skills», qui couvrent l’aisance rédactionnelle et le don de curation d’informations, et les «life skills» qui relèvent de l’agilité quotidienne à évoluer dans un environnement donné.
Est-ce que les entreprises françaises sélectionnent déjà les candidats autour de ces compétences ?
La France est en retard et il existe peu d’outils permettant de réaliser un recrutement cognitif qui pourrait évaluer les compétences utiles à une meilleure adaptation aux nouvelles organisations du travail. Quelques éditeurs, comme Assessfirst, permettent du recrutement prédictif mais essentiellement basé sur la personnalité. Ils permettent de sonder la performance d’un individu dans une situation donnée mais pas de cerner ses dispositions cognitives. Des tests cognitifs assez longs et onéreux existent pour des cadres supérieurs mais aucun n’est adapté au traitement de masse. L’enjeu est de pouvoir en moins de 10 minutes faire passer des tests pertinents pour évaluer les 4C. Pourquoi en 10 minutes ? Parce que c’est l’attention maximale que des personnes seront prêtes à accorder en ligne dans les années à venir.
Quels sont les risques si les formations ne remettent pas en question leurs méthodes pour s’ouvrir davantage à l’apprentissage cognitif ?
Il est vrai qu’il va falloir revoir notre système éducatif. Plusieurs études montrent que tout se joue avant l’âge de 20 ans. Il devient donc urgent de développer les capacités cognitives dès le plus jeune âge. Les modèles innovants actuels, à l’instar des écoles Montessori, sont beaucoup trop chers et élitistes. Aux États-Unis, les écoles K12 sont apparues pour mieux préparer les enfants aux futurs enjeux de notre société. Elles permettent de sortir de ce que j’appelle «l’effet boîte noire», métaphore pour dire que nous ne maîtrisons plus les objets qui nous entourent et sommes emprisonnés à cause de nos limites. La seule façon de nous en sortir est de développer notre capacité à relier, connecter, les choses entre elles, au risque de devenir inutile selon le concept de la singularité avancé par Google. Le rythme va s’accélérer: la civilisation humaine va connaître une croissance technologique d’un ordre supérieur et sera très vite dépassée.
La valorisation de l’être humain par rapport à la machine passera par les interactions mises en œuvre et le respect de toutes les formes de création de valeur. La coopération et le partage permettront de créer un nouveau monde. Dorénavant, nous devons avoir le réflexe de fonctionner en réseaux et mode projet de manière à résoudre des problèmes complexes. Les entreprises devront former les équipes et développer leurs capacités cognitives. Il y a une marge de progression importante pour adapter les individus aux grands enjeux auxquels ils vont devoir faire face malgré eux, dans un futur très proche. On a déjà compris l’importance du quotient émotionnel (QE), négligé pendant des années au profit du quotient intellectuel (QI). Les machines ne sont pas capables (encore) d’écoute et d’empathie pour bien ressentir la complexité des situations.