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jeudi 25 avril 2024

Comment les entreprises recrutent en Allemagne

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Par Heiko Höfer, responsable des activités franco-allemandes au sein du groupe Neumann, conseil en recrutement de dirigeants par approche directe.

Premier partenaire commercial de la France, l’Allemagne profite aujourd’hui d’une situation économique stable, grâce notamment, à la compétitivité de ses ETI et PME familiales qui représentent 95 % de l’ensemble des entreprises outre-Rhin. Largement respectées, habituées à développer leurs affaires en bonne intelligence avec les partenaires sociaux, ces entreprises sont généralement tournées vers l’international tout en gardant un fort ancrage dans l’un des 16 Bundesländer. Zoom sur la politique de recrutement Outre-Rhin.

 

 

 

 

 

Si le taux de chômage moyen du pays est actuellement de 6,7%, variant de 3,6% (Bavière) à 11,2% (Brême), un faible taux de natalité additionné à une population déjà vieillissante menace toutefois le marché de l’emploi allemand qui devra compter sur une baisse de 20 à 30 % de sa population active d’ici à 2050. Les économistes parlent d’un « suicide collectif » annoncé.

Pour faire face à ces bouleversements démographiques et préparer l’industrie 4.0, l’Allemagne ne devrait-elle pas s’interroger par exemple sur les raisons pour lesquelles près de la moitié des étudiants en sciences d’ingénierie abandonnent leurs études en cours de route ou comment améliorer le système de garde des enfants afin de permettre aux femmes de mener à bien leur carrière ? En effet, bien que plus de 50 % des bacs en Allemagne soient décrochés par les femmes, elles affichent un parcours professionnel souvent plus morcelé qu’en France.

Un autre levier intéressant serait l’accueil et l’intégration d’internationaux hautement qualifiés permettant ainsi au pays de soutenir son ouverture économique et sa compréhension des marchés globaux.

 

 

 

Le contact culturel avec le pays

 

 

 

Les cadres français prêts à travailler en Allemagne ont déjà souvent une bonne approche culturelle du pays. Ils y ont séjourné et y retournent avec plaisir. En effet, en dehors de la question linguistique, l’Europe a su mettre en place d’excellents dispositifs en matière d’immersion « soft landing ». Le programme Erasmus permet chaque année, par exemple, à 250.000 étudiants (dont 70.000 français et allemands) de se familiariser culturellement et économiquement à un nouveau pays.

Il est bon de savoir que l’Allemand se définit avant tout par son identité régionale plutôt que nationale. Il est d’abord « Bayer », « Rheinländer » ou « Schwabe ». Un cadre qui souhaite intégrer une entreprise allemande devra donc se familiariser avec les us et coutumes locaux.

En outre, le concept de la « Mannschaft » correspond assez bien à la vie et à la culture d’entreprise allemande. Le dirigeant est respecté, il coordonne le jeu et on lui fait confiance. Il arrive le premier, relève les manches et est capable de veiller à la bonne harmonie du groupe, y compris en temps de crise. Le dialogue social est basé sur le consensus et le « bon » compromis qui met en avant la réussite collective. L’éthique du travail veut une forte identification avec ce qu’on fait. Le métier, qui se construit dans la durée, est aussi une vocation, et donc à chacun son métier : « Schuster bleib bei deinen Leisten ».

 

Ce qui compte en Allemagne, ce n’est pas de quelle école vous venez, mais le niveau du diplôme que vous avez obtenu et vos compétences manifestées. Porsche l’utilise, par exemple, lors de ses activités « marque employeur » pour décrire son ADN : « Genetischer Code : Dr. Ing. ». Le crédit de confiance est donné à travers vos compétences réelles, votre comportement in situ, votre curiosité, la volonté d’apprendre ainsi que votre identification avec les responsabilités qui vous sont confiées.

 

 

 

Comment se déroule un recrutement ?

 

 

 

L’entreprise familiale, forme d’entreprise prédominante dans le pays, pense de génération en génération, en mode « survie ». Le recrutement en est donc fortement empreint.

L’adjectif allemand qu’on ne trouve dans aucun descriptif officiel, mais qui est virtuellement présent dans tous les pensées et actes d’évaluation des décideurs est : « patent ». Cela signifie qu’indépendamment de l’âge, du sexe ou du niveau de poste, quelqu’un est techniquement et sociologiquement « breveté » pour l’entreprise. Un salarié qualifié de « patent » est : compétent, motivé, attachant, d’un bon potentiel, crédible, de valeur, humainement agréable, autonome, à l’écoute, proactif, constructif … C’est un salarié avec lequel l’entrepreneur se projette dans l’avenir et qu’il souhaite garder le plus longuement possible dans l’entreprise, idéalement pour toujours.

Les décideurs, au sein de ce type d’entreprises, procèdent généralement à une lecture très conservatrice des parcours des candidats. Les expériences moyennes ou longues sont appréciées. Elles démontrent, pour eux, une capacité d’initier et de terminer des chantiers ainsi que de s’identifier à une entreprise. Dans un panel de candidats, les « job ou company hoppers » ne leur inspirent donc pas confiance et doivent développer de solides arguments pour justifier leurs changements.

En outre, le dossier de candidature est bien plus exhaustif qu’en France. Il comporte notamment, pour chacun des postes occupés, un « Certificat de travail qualitatif » (qualifiziertes Arbeitszeugnis) que tout employé peut exiger de l’employeur. Ce tracé sur deux à trois pages du rôle de la personne au sein de l’entreprise, de sa performance, de son comportement avec sa hiérarchie, ses collègues et clients, laisse un souvenir écrit, concret et assez objectif de chaque étape de sa carrière.

 

 

 

Certificat de travail

 

 

 

Les candidats français, quant à eux, excepté leurs diplômes et certificats de formation, n’ont généralement pas de documentation complémentaire à fournir aux recruteurs. Pour des carrières à l’international, une lettre de recommandation ou ledit « Certificat de travail qualitatif » rassureraient pourtant les décideurs et aideraient les candidats à valoriser leurs expériences, compétences et qualités relationnelles. Il faut noter, toutefois, que de tels certificats ne remplaceront pas les prises de références.

Les entreprises familiales allemandes affichent de faibles « turn-over ». En effet, un attachement réciproque fort ainsi qu’un nombre critique d’opportunités proposées par des écosystèmes décentralisés, limitent la mobilité des cadres. Nul besoin, comme souvent en France, d’« aller à Paris » pour faire carrière.

Bien à leur place et ancrés dans leur région, les cadres allemands sont exigeants et n’ont pas le goût du risque. Peu apprécient de changer de poste et de déménager. C’est pourquoi, il semble parfois plus facile de recruter un cadre étranger qui souhaite s’enrichir d’une expérience internationale que de faire déménager un Hambourgeois à Stuttgart.

En effet, dans un marché étroit de compétences, les entreprises qui recrutent doivent être en mesure aujourd’hui de proposer de véritables sauts de carrières, des expériences interculturelles enrichissantes, des bases de vie flexibles … pour susciter la motivation des meilleurs talents. Indépendamment de vos produits, de votre secteur, de votre localisation et du niveau de poste proposé, vous devrez vous inspirer des codes du marketing du luxe pour espérer mener à bien la gestion de vos processus de recrutement en Allemagne.

 

 

 

Citations :

 

“ Bien que plus de 50 % des bacs en Allemagne soient décrochés par les femmes, elles affichent un parcours professionnel souvent plus morcelé qu’en France. ”

 

“ Ce qui compte en Allemagne, ce n’est pas de quelle école vous venez, mais le niveau du diplôme que vous avez obtenu et vos compétences manifestées. ”

 

Article publié en partenariat avec La Revue Personnel de l’ANDRH. Numéro d’octobre 2014.

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