Fille des lumières, la liberté de la presse est un phare fragile comme l’attentat du 7 janvier l’a démontré en frappant des hommes et des femmes de grand talent, qui ont contribué à donner à la société française cette vertu d’insolence qui est l’essence même de la libre pensée.
Les DRH au cœur de l’entreprise peuvent-ils nourrir et faire prospérer l’esprit du 11 janvier, cette belle indignation mondiale face à la barbarie obscurantiste qui nous renvoie à des ténèbres invivables ?
Oui mais partiellement car le fondement d’une entreprise est enfermé dans son propre objet social : majoritairement commercial, de service ou de production, elle n’est pas un lieu d’expression citoyenne continue : les affaires reprennent le dessus, il faut satisfaire le client, l’actionnaire et les parties prenantes… business first comme le disent les Anglais.
L’entreprise reste un monde où prévaut le lien de subordination et où le comportement n’est pas affranchi de nombreux codes de comportement et où le libre arbitre n’est pas vraiment la référence du savoir être… ceux qui osent une opinion divergente dans des assemblées où la pensée unique corporate est la norme en prennent en général pour leur grade..
L’entreprise citoyenne investie dans son environnement est certainement une construction souhaitable mais fragile comme en atteste le malaise de certaines enseignes peu enclines à laisser son personnel arborer le « je suis charlie » pour ne pas heurter la sensibilité d’une clientèle lucrative par ailleurs.
Sur quoi alors fonder la politique RH en la matière ?
Essayons d’en dégager quelques principes.
D’abord la primauté de l’appartenance à des valeurs de société : ce qui se passe sur le trottoir d’en face n’est pas un non sujet. La liberté d’entreprendre et de travail sont les filles de la liberté d’expression. Dans le monde, l’esclavage existe et demeure, la privation des droits civiques et la soustraction de passeports de travailleurs assignés concerne des centaines de milliers de salariés et ces situations par leur atteinte à la personne humaine ne doivent pas être banalisées et considérées comme les scories de la mondialisation.
Il n’y a pas de valeurs d’entreprise sans valeurs de société. On ne peut pas considérer que tout est marchandise et que l’argent est une fin sans une vraie finalité de projet et de sens qui dépasse l’accumulation de résultats financiers.
Ensuite la protection de la personne humaine : les minorités de couleur, de genre qui doivent avoir leur espace d’expression professionnelle et une identité de droits, à talent et compétence égale. La garantie du développement humain : faire grandir l’autre, lui donner les moyens de s’élever professionnellement et d’accéder à un épanouissement heureux.
Enfin, la préparation de l’avenir. Demain s’écrit aujourd’hui et les concessions sur nos valeurs fondamentales se paient à un prix terrible. L’effondrement de l’Europe face à la barbarie nazie a pris six petites années. Ne l’oublions pas et restons debout, c’est le plus bel hommage que nous puissions rendre à nos « Charlie » et à leur mémoire.