La synthèse de trois études publiées par ADP Research Institute* a montré une déconnexion flagrante et inquiétante entre les salariés et les DRH. L’éditeur de logiciels spécialisés RH a décidé d’approfondir les résultats obtenus par la France et de faire réagir les professionnels sur les raisons d’un tel constat. Le livre blanc #Disconnect, paru au printemps 2015, a pointé du doigt le malaise des salariés français et leurs différentes revendications vis-à-vis d’une fonction bien malmenée. Seulement 24% d’entre eux sont extrêmement ou très satisfaits de la fonction RH. Parmi les 509 salariés français qui ont répondu aux questions, seuls 14% sont promoteurs de leur entreprise et la recommanderaient à leurs proches, et, 56% sont carrément des détracteurs ! Les actions des DRH ne sont pas valorisées puisque très peu de salariés jugent qu’ils savent écouter (6%), qu’ils sont réactifs aux questions posées (26%), ou encore leur font confiance sur la justesse de la paie (15%) ! En matière de développement personnel, «73% des salariés sont insatisfaits ou moyennement satisfaits des opportunités professionnelles au sein de leur entreprise». Alors, à quoi servent les DRH ? La fonction RH va-t-elle tout bonnement disparaître ?
Des outils pour impliquer les salariés
Les réponses de l’éditeur ont été compilées dans l’ouvrage «#RHreconnect : idées, pratiques et outils RH pour l’avenir de l’entreprise», paru en novembre 2015. Fruit du travail de plusieurs workshops avec des clients, des cafés RHinfo spécifiques et de la contribution de 26 experts, le livre apporte des solutions à plusieurs problématiques auxquelles les RH sont confrontées : le désengagement des salariés, leur besoin de mobilité, leur souhait d’être mieux reconnus et suivis dans leur parcours professionnel, leur revendication d’une meilleure qualité de vie au travail ou encore leur exigence, tout simplement, de meilleurs services rendus par la RH.
L’heure est à l’adhésion au projet collectif de l’entreprise, qui doit être porteur de sens. L’heure est à l’implication des salariés, notamment grâce à un tas de solutions collaboratives. Les principaux fléaux qui sévissent à l’heure actuelle dans l’entreprise sont le manque d’engagement des collaborateurs et la pénurie en matière de compétences.
Invité lors de la présentation de l’ouvrage, Tony Lesaffre, codirigeant d’Europcar Atlantique, a misé sur la cooptation grâce à l’outil Keycoopt : «Elle nous a permis de créer une adhésion supplémentaire de nos collaborateurs. Contre toute attente, nous avons pu recruter des profils avec des compétences clés pour notre business et auxquelles nous n’aurions pas absolument pas pensé ! La cooptation permet de sortir du cadre et d’étendre le champ des critères de sélection.» Pour Caroline Guillotin, DRH chez Gemapi-Maty, la difficulté est de retenir les talents au siège situé à Besançon : «La moitié de nos recrues partait dans les 6 mois. Nous avons par conséquent opté pour d’autres types de profils, des personnes plus seniors, originaires de la région et qui possédaient les compétences nécessaires pour une reconversion dans notre activité. Afin de réduire notre taux de turnover, nous avons également créé un parcours d’intégration, pour les cadres et les non-cadres, qui comprend une présentation de notre ADN, une journée de visite des lieux et une chasse aux trésors organisée autour de nos différents services. Le but étant de rencontrer et d’échanger avec les salariés de l’entreprise. Depuis le changement de politique il y a un an et demi, nous n’avons plus de départs.»
En matière de reconnaissance, c’est l’intention qui compte. «Quand je suis arrivé, j’ai demandé à rencontrer tous les salariés sans exception, explique Bruno Wierzbicki, DRH du Pôle Assurances du CMNE. Je les ai tous remerciés de leur contribution au succès collectif de l’entreprise et, dans la majorité des cas, les visages se sont illuminés.» Il faut faire de la reconnaissance un challenge interne afin que le salarié, qui sera client à son tour, soit le premier servi.
Une innovation sociale propulsée par le digital
Les outils pour aider la fonction dans sa mission sont pléthore. À titre d’exemple, les Mooc (Massive Open Online Course) représentent un puissant levier car ils touchent un public large et permettent de coconstruire des programmes grâce aux différentes interactions entre les individus. Ils insufflent ainsi un esprit de renouvellement et leur impact stratégique et social permet de formaliser une dynamique collective. Jocelyne Turpin, conseil en Mooc et Digital Learning, écrit : «Notre monde a entamé une profonde mutation : sociétale, technique, numérique, économique, scientifique, énergétique, éducative, cognitive, organisationnelle (…) Les innovations technologiques, les innovations d’usages, la robotisation et les systèmes intelligents permettent aujourd’hui de réaliser des expérimentations qui deviennent elles-mêmes, à l’exemple d’Uber, de nouveaux modèles.» Dans une logique participative, les réseaux sociaux, forums, les communautés d’intérêts diverses et variées sur le Web renforcent le processus et permettent d’accroître l’agilité des organisations, notamment en facilitant l’identification des potentiels et talents cruciaux pour le développement de l’activité business. Actuellement deux mondes cohabitent : celui «d’avant le digital» et celui du «pendant le digital». Les services RH s’en trouvent bouleversés et ont du mal à s’affirmer en tant qu’acteurs déterminants de la transformation de leur entreprise.
L’ouvrage milite pour une approche plus innovante des RH en replaçant les salariés au centre des préoccupations de l’entreprise. La reconnexion, notamment grâce au triptyque autonomie/confiance/responsabilité, constitue le levier de renouveau de la fonction. «Le tissu social se reconstitue de nos jours par des liens horizontaux. Les RH continueront à exister si elles se réveillent et si elles le désirent, conclut Patrick Bouvard qui a coordonné l’ouvrage #RHreconnect, Dans un scénario optimiste, d’ici quelques années, les DRH devraient être en mesure d’orienter les décisions stratégiques de l’entreprise».
Christel Lambolez
*L’étude internationale d’ADP Research Institute sur la perception de la gestion du capital humain par les salariés, les dirigeants d’entreprises et les DRH, tous secteurs d’activités confondus, a sondé 8 500 personnes a été sondé, et ses résultats ont fait l’objet d’un livre blanc : «Gestion du capital humain déconnectée des salariés. Un état des lieux mondial».